Vous êtes-vous déjà interrogé sur l’origine du nom « Reunion Tower » à Dallas, ou encore sur le choix d’Oak Cliff pour l’organisation des festivités du 14 juillet dans la ville texane ? Il faut remonter au milieu du XIXe siècle et au passage d’une communauté francophone baptisée « la Réunion » pour comprendre la référence historique, un héritage qu’Emeline Colson, directrice de l’Alliance Française de Dallas, souhaite mettre en lumière à l’occasion d’un Symposium qu’elle organisera le samedi 5 octobre. Un projet qui lui tenait à cœur depuis son arrivée à Dallas, il y a un tout juste un an, tant l’histoire de cette colonie est fascinante.
Au milieu du XIXe siècle, la révolution industrielle bat son plein en Europe. Face aux profondes mutations économique et sociale qui s’opèrent, un groupe d’utopistes d’origine belge, suisse et française décide de partir pour le nouveau monde, des rêves plein la tête. Leur projet ? Acquérir des terres bon marché sur lesquelles ils développeront une société basée sur les théories du mouvement fouriériste – idées développées par François Charles Fourier -, un véritable laboratoire à ciel ouvert.
Ce sont quelque 200 personnes qui débarqueront à Galveston en 1855 et rejoindront Dallas à pied pour s’établir sur le site du quartier aujourd’hui connu sous le nom d’Oak Cliff. Parmi eux, le Belge Jean-Baptiste Goetsels dont l’une de ses descendantes, Jane Griffith, retrace aujourd’hui l’histoire avec émotion. « Mon ancêtre était originaire de Louvain, et a fait partie des premiers groupes de colons à s’installer sur le site de la Reunion, accompagné de son père et de son fils. Il occupait un poste clé puisqu’il était responsable de la construction de maisons, commente-t-elle. Ils sont venus avec leur culture européenne du XIXe siècle, donnaient des cours de musique, composaient, chantaient, étudiaient les sciences, la vie à la Reunion était très en décalage avec la vie à Dallas de l’époque, ce qui ne plaisait pas à tout le monde. »
Le rêve sera de courte durée puisque le projet prendra fin en 1856, dix-huit mois à peine après l’installation des premiers colons. Le climat impitoyable de Dallas, le manque de compétences manuelles au sein des membres de la communauté et une mauvaise gestion financière expliquent en grande partie l’échec de La Réunion.
Certains colons décident alors de rentrer sur leur terre d’origine, d’autres de se réinventer sur place. Ce fut le cas de Jean-Baptiste Goetsels qui retenta l’expérience en créant la colonie New Louvain. Quand on demande à Jane Griffith quel héritage culturel lui ont transmis ses ancêtres, elle évoque immédiatement l’esprit entrepreneurial de sa famille : « Ma sœur, mon frère, mon père et moi avons tous notre propre entreprise. Je crois que nous avons tous ce gène qui nous donne envie de sortir des sentiers battus et de défendre la cause sociale comme l’ont fait nos ancêtres. »
Même si l’expérience sociale fut de courte durée, l’installation de ce groupe de colons francophones aura eu un réel impact sur Dallas, alors en plein développement. Parmi ceux restés dans la ville, le Français Jean Monduel créa la première brasserie – l’hôtel Hyatt lui a rendu hommage en nommant son bar d’après son patronyme, le « Monduel’s » -, Benjamin Long fut le premier immigrant à devenir maire de Dallas ou encore John Louckx a mis en place le premier système d’écoles publiques. Un héritage riche à découvrir lors du symposium du 5 octobre.
Symposium « La Réunion Colony: Unveiling Dallas’ Utopian European Past » organisé par l’Alliance Française, samedi 5 octobre de 8:30am à 3:30pm à la Oak Cliff Society of Fine Arts, Turner House, 401 N Rosemont Avenue, Dallas. Réservation des billets ici (65$, boissons et repas inclus).
Le symposium réunira des historiens, descendants et professeurs de SMU, ainsi que les consuls généraux de France, Valérie Baraban, et de Suisse, Gabriel Barbier-Mueller.