La semaine dernière French Morning vous présentait un spectacle tout droit venu du West End de Londres – War Horse – cette semaine encore c’est une production 100% British qui a retenu notre attention : Jerusalem.
Tout comme ses personnages Jez Butterworth – l’auteur de Jerusalem – ne fuit pas son héritage. Jerusalem est un drame shakespearien. Ou une comédie, comme il vous plaira. Ca commence comme Le Roi Lear, ou comme une des scènes de Benvolio dans Romeo et Juliette: les blagues fusent au sein d’une bande de jeunes et moins jeunes et la pièce tourne à la farce. Kate Moss, les Spice Girls… Seules les références culturelles nous rappellent le changement d’époque.
Ne cherchez donc pas le lien avec le conflit israélo-palestinien : il n’y en a pas. Le titre est en réalité une référence au poème de William Blake. British on vous disait donc. Jerusalem parle de cette frange de la population britannique qui faute de pouvoir s’intégrer la société de consommation opte pour un retour à la nature. Et Jez Butterworth sait de quoi il parle: lui-même a quitté Londres pour élever quelques cochons dans le Somerset.
L’histoire tourne donc autour de Johnny «Rooster» Byron un dealer de substances pas franchement licites et sa bande d’acolytes délurés: un vieux prof qui carbure à l’acide pas toujours pris volontairement, un «best mate» trentenaire un peu paumé et une poignée d’ados comme on en fait aujourd’hui. Au conseil général de la région on aimerait bien se séparer de cet excentrique et de sa bande d’agités qui font fureur au cœur de la forêt. Comme toute drogue qui se respecte la pièce nous embarque dans un enchainement de gags en tous genres et ne reprend son sérieux que quelques minutes avant que le rideau tombe, alors que Rooster se lance dans un monologue final au combien shakespearien.
Ne vous laissez pas abuser par l’apparent délire de la pièce car ce qui fait son intérêt c’est bien la réflexion qu’elle propose sur cette classe plus anglaise que jamais qui a égaré toute forme de culture mais s’est imprégnée des mythes fondateurs du royaume. Pas étonnant donc que ce soit dans les bois que l’on installe sa caravane et alors que le temps passe on parle géants rencontrés au Pays de Galle, ancêtres biens anglais et le fils de Rooster ne cache pas ses faux airs de roi Arthur tandis que les jeunes filles en fleur se déguisent en fées. C’est peut être ca qui rend ces joyeux parasites indélogeables car comme le suggère le rideau qui n’est autre que la croix rouge sur fond blanc du drapeau anglais: l’Angleterre c’est eux.
Mais le charme de la pièce opérerait-il sans l’excellence d’une troupe d’acteurs hors pair ? Marketing oblige Broadway choisit pratiquement systématiquement « ses » acteurs à chaque pièce montée, ici pourtant la troupe anglaise qui avait déjà officié à Londres s’est imposée d’elle-même. La presse anglaise et américaine s’est donc depuis longtemps déjà extasiée sur les mérites de Mark Rylance (« Rooster »), longtemps directeur du Shakespeare Globe Theatre, qui ne serait autre que « le plus grand acteur anglais de sa génération ». Si son énergie irradie la scène le reste de la troupe n’a pourtant rien à lui envier et tous semblent rivaliser de talents pour le plus grand plaisir d’une audience que les applaudissements révèlent conquise.
Enfin mention spéciale à un remarquable décor qui nous bouscule purement et simplement dans ce bout de forêt envahit par une caravane pour le moins précaire et le bazar de tout un chacun. Dans ce romantique chaos poules et poissons rouges (vivants !) semblent les seuls garants d’une raison perdue par les hommes.
Notez toutefois avant d’investir dans des billets pour vous et votre entourage que le jeux sur les accents et l’argot britanniques rendent la compréhension de la pièce souvent complexe, le spectacle s’adresse donc à une audience à l’anglais expérimenté.
Quand ? Soirée d’ouverture le 21 avril, avant-premières ouvertes au grand public d’ici là.
Où ? Music Box Theatre, 239 W. 45th Street, New York
Combien ? De 61,50$ a 226,50$. Plus d’infos et achats des billets ici.
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