Nicolas Sarkozy en a rêvé; François Hollande va le faire… Signe de son importance symbolique, le projet de nouvelle librairie française à New York s’est décidé au plus haut niveau de l’Etat. Gauche et droite sont d’accord: la France et sa culture littéraire ont besoin d’une vitrine à Manhattan. Ce sera chose faite à l’automne 2013.
Mais est-il bien raisonnable d’ouvrir une librairie à l’heure de la fermeture de Borders et du triomphe d’Amazon? Et une librairie française à New York? Oui et oui, répond Antonin Baudry, Conseiller culturel de l’ambassade de France, qui a porté le projet pendant près de deux ans.
Tout est parti, explique-t-il “de la fermeture de la librairie française du Rockefeller Center (en 2009). Il y a depuis un vrai manque”. Au mieux, le livre français est “devenu un produit de luxe” explique M. Baudry. Au pire, il est purement et simplement absent. “Prenez le Lièvre de Patagonie, de Claude Lanzmann. Un grand succés critique aux Etats-Unis, mais très difficile à trouver en librairie”.
La réouverture d’une librairie française à New York était devenue “une idée fixe de Nicolas Sarkozy” confie un proche du dossier, qui se souvient avoir entendu l’ex président de la République évoquer la question à de nombreuses reprises lors de ses différentes visites officielles à New York. L’alternance a donc donné quelques sueurs froides aux partisans du projet, définitivement rassurés lorsque le nouveau gouvernement a repris l’idée à son compte et que François Hollande l’a officiellement annoncé lors de son discours aux Français de New York.
Un consensus politique d’autant plus aisé à obtenir que ce lieu de culture française et francophone “ne pèsera pas sur les finances publiques”, souligne Antonin Baudry. D’ores et déjà, plusieurs généreux mécènes américains et français, de non-profits, et de sponsors, ont promis de donner un total de 5 millions de dollars pour financer l’opération. Leur liste est tenue secrète, mais French Morning a appris de bonne source qu’y figure notamment John Young, président de la Florence Gould Foundation, mécène habituel des arts français à New York.
Le lieu de cette future librairie ne sera pas annoncé avant le premier trimestre 2013. “Nous avons encore plusieurs options”, souligne Antonin Baudry. Mais c’est bien dans le bâtiment des Services culturels, au 972 Fifth avenue qu’elle devrait s’installer. “Les plans sont faits, les permis déposés”, assure une source proche du dossier. Le Ministère des Affaires Etrangères avait initialement envisagé de vendre l’immeuble prestigieux, jugé trop coûteux. “C’est le projet de librairie qui a sauvé l’immeuble”, assure un membre de l’entourage d’Alain Juppé, l’ancien ministre des Affaires étrangères.
La librairie sera gérée par un partenaire privé. Plusieurs candidats sont sur les rangs. La sélection sera rendue publique également au premier trimestre 2013, tout comme le concept final du lieu. “On ne fera pas que vendre des livres papiers ici, explique Antonin Baudry. Ce sera un lieu de vie et de conseils, y-compris pour le livre numérique”.
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Bien sûr, c’est une carence incroyable de ne pas disposer d’une librairie française à New York. Je regrette toutefois, après réflexion, qu’il ne soit pas envisagé un choix plus central. Ah, la French Librairy du Rockfeller Center !!!
Michel de Nancy en Lorraine….
Elle porte le beau nom de Librairie de France. A l’entrée trône l’emblématique portrait du Petit Prince. On dirait qu’il fait de la résistance. Sise à New York, au rez-de-chaussée du Rockefeller Center, elle a été fondée en 1935 par Isaac Molho, qui y a accueilli pendant la guerre, à l’enseigne des Editions de la Maison française, beaucoup d’écrivains fuyant l’occupant allemand et le régime de Vichy. Signés Aron, Maritain, Aragon, Saint-Exupéry, Mauriac ou Maurois, ces fac-similés sont toujours en vente dans une librairie, la seule de tout le continent, exclusivement consacrée aux ouvrages de langue française – des romans les plus récents aux guides Michelin.Car depuis la mort de son père et la lointaine époque «où l’on recevait deux tonnes de livres français chaque semaine», Emanuel Molho a repris le flambeau et se bat comme un lion. Déjà, dans les années 1980, après une augmentation du loyer de 300%, il a dû céder la moitié de sa surface à un magasin de L’Occitane. Il sait qu’en 2009, au moment du renouvellement du bail, il ne pourra plus suivre et cédera le terrain à une boutique de fringues ou de parfums. La loi du marché aura eu raison de sa folle passion pour notre littérature.Avec la fermeture de la Librairie de France, c’est un rêve qui s’écroule: celui des «Allers-retours» intellectuels entre Paris et New York si bien décrits dans ses Mémoires par un autre passeur, André Schiffrin, l’éditeur américain de Sartre, Duras, Echenoz. Même le «New York Times», le 14 juillet, s’est ému de la disparition de cette «citadelle de la culture française».Mais j’allais oublier l’essentiel: Emanuel Molho a alerté le service culturel de l’ambassade de France, qui n’a pas daigné répondre. Personne ne s’est déplacé. Aucune aide n’a été proposée. Le pays de Montaigne regarde mourir, dans l’indifférence, l’unique vitrine, là-bas, de son génie et de son humanisme. A croire qu’ils sont bel et bien révolus.