« Soulagé ! » C’est ce que répond Cyril Dewavrin lorsqu’on lui demande quel est son sentiment à quelques jours de l’inauguration officielle de La Joie de Vivre (nous avions parlé du projet en décembre dernier). « Un an et demi de travaux et de galères… Mais c’est terminé. » Sa librairie sent le neuf… et le café. Un tiers de l’espace est consacré à la restauration. Assis à l’une des quatorze places distribuées autour du comptoir, on sirote et on grignote en ouvrant les premières pages du roman, de la BD, ou du beau livre que l’on vient d’acheter. Pousser la porte d’une librairie pour commander son café à emporter ? En France, ce mélange des genres est plutôt rare. À Paris, par exemple, on compte à peine plus de cinq librairies à le proposer. Mais à New York, la démarche est bien ancrée dans les habitudes. Elle représente, pour le libraire, un complément de revenus indispensable à son modèle économique.
Derrière le comptoir, les pains au chocolat, les croissants et les pâtisseries viennent de l’Upper West, Barachou, de l’East Village, Petit Chou, ou de Choc O Pain dans le New Jersey. Quant aux « meilleurs macarons de New York », ils sont signés Thierry Atlan.
Une cliente entre, passe la table consacrée aux livres de cuisine, flâne un peu, feuillette. À sa droite, la littérature américaine ou les auteurs traduits. Beaucoup de nouveautés au catalogue qui, la plupart du temps, collent à l’actualité sociale ou politique. Mais aussi des classiques que des habitants du quartier sont ravis de retrouver après la fermeture, une à une, des librairies indépendantes. Et si les livres en anglais sont un peu plus chers que sur Amazon, ou Barnes & Noble, aucune importance : les clients américains trouvent naturel de soutenir l’indépendance.
Notre cliente s’est rapprochée du long mur tapissé de livres en français. Au besoin, Anastasia ou Bohem, libraires, sont là pour la conseiller. « Nous travaillons avec notre représentant pour les livres américains, expliquent-elles. Mais pour ce qui est des auteurs français, chacune d’entre nous a une cinquantaine de titres préférés que nous avons à cœur de défendre. Veiller sur elle, par exemple, le dernier Goncourt que j’ai adoré. »
La libraire ne propose pas que des livres, mais des jeux aussi, des posters, des sacs aux imprimés amusants et puis de nombreuses animations que Cyril Dewavrin énumère : « Des lectures pour les enfants les samedis, des rencontres avec des auteurs, book clubs, des expositions de photos, de peinture et même… une dégustation de vins prévue en mai prochain. » Il reste un libraire français : contrairement à ses homologues américains qui gèrent souvent leur établissement de loin, « moi, je fais tout, depuis le passage de la serpillière jusqu’à l’organisation des événements. C’est comme ça que je suis le plus heureux ! »
La cliente a trouvé le titre qu’elle cherchait. Elle se rend en caisse, sans savoir, peut-être, qu’elle paye son livre en français à un prix inférieur à celui d’Amazon : La Joie de Vivre profite des conditions de transport subventionnées par la France dont ne bénéficie pas le géant online. Qu’on se le dise : les livres en VF sont moins chers en librairie que online !
Notre cliente s’est assise, café en main et commence à lire. C’est une Américaine dont les bureaux se trouvent dans le quartier et qui a découvert la librairie par hasard. James Baldwin en VF, pour « améliorer son français, parce que j’ai lu tous ses livres en anglais, ce qui m’aide pour le vocabulaire et la compréhension générale ».
Une future habituée de La Joie de Vivre, à n’en pas douter.
Librairie La Joie de Vivre, 147 West 27th Street (entre les 6e et 7e avenues).
Le café est ouvert de 8am à 4pm30, la librairie de 10am a 7h30, tous les jours sauf le dimanche.