« We are sad to announce the closing of La Joie de Vivre, due to economic reasons ». C’est avec ces mots que la communauté française et francophile a brusquement appris la fermeture de la librairie de Cyril Dewavrin à Chelsea. Quelle déception !
French Morning s’y était rendu dès décembre 2023, quand l’établissement n’était encore qu’un pop up. À l’époque, le libraire avait déjà prévenu : « C’est impossible à New York d’amortir ses frais en ne vendant que des livres ». D’où l’idée d’adosser la librairie à un café où la marge sur les lattes et les matchas est bien plus confortable.
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Quelques mois plus tard, la librairie et son café ouvraient enfin après un an et demi de travaux, de contretemps et de contrariétés. Cyril Dewavrin s’était dit soulagé : il pouvait enfin commencer son métier de libraire. Le plus dur restait cependant à faire, qui consistait à attirer et fidéliser les lecteurs francophiles, francophones, mais aussi américains puisque la moitié de la librairie proposait des livres en anglais. On y trouvait d’improbables pépites, reflets des goûts du libraire, mais aussi des classiques et des nouveautés.
Très rapidement, la librairie avait organisé des rencontres, diversifié son offre en proposant des cadeaux et de la papèterie. Ses murs pouvaient également servir de cimaises pour des accrochages improvisés. Et puis il y avait le café où l’on dégustait de délicieuses pâtisseries (nous avions un faible pour les tartes au citron) en lisant le livre que l’on venait d’acheter. « Je n’avais pas mesuré à quel point cette diversification demandait du travail, explique Cyril Dewavrin. Il aurait fallu que je sois partout et je n’ai pas accordé toute l’attention nécessaire aux détails. »
Par ailleurs, l’emplacement était difficile, à quelques blocs de Penn Station, hub pour millions de voyageurs pressés, sur la 27e rue, entre les 6e et 7e avenues. Un quartier que personne n’aurait identifié comme « culturel », très éloigné d’un Greenwich Village par exemple. Et c’est ce qui plut aux riverains qui accueillirent l’ouverture d’un lieu culturel avec beaucoup d’enthousiasme. « L’emplacement n’était pas le vrai problème, explique le libraire. Nos clients venaient d’un peu partout, Brooklyn, New Jersey ».
La Joie de Vivre eut vite ses habitués : des amoureux – souvent des amoureuses d’ailleurs – de la langue française qui venaient tous les jours s’asseoir devant une boisson et un livre. D’autres ne faisaient que passer pour un latte to go. « Mais pas assez, reconnaît Cyril Dewavrin. Un an après l’ouverture, le chiffre d’affaires n’avait pas augmenté et je n’étais qu’à la moitié de mes objectifs ».
Dans cette ville de superlatifs, la taxe foncière atteint des sommets. « Je pensais pouvoir l’amortir en revendant le pop up store du début. Mais onze mois après sa mise sur le marché, nous n’avons reçu aucune proposition ». La fatigue a commencé à peser sur les épaules du libraire qui avait le sentiment de devoir « tout faire seul, dans un pays que je découvrais, avec un visa de deux ans seulement ». Le chiffre n’augmente pas, et « les marges restent en deçà de ce que j’avais prévu ». De son propre aveux, Cyril Dewavrin est dans le déni. Lorsqu’il prend conscience de la situation, il est trop tard. « La librairie est parvenue à faire ses premiers pas, à grandir, mais pas assez pour faire face à la pression économique ». Très entouré par sa famille venue l’aider à fermer boutique, Cyril Dewavrin retourne en France.
Mais au matin d’un 19 septembre, les clients eux, ont trouvé un rideau baissé au lieu d’une ouverture sur le monde.