Quand vous faites une recherche sur la « gold card » sur Internet, vous ne verrez presque que des pubs pour une carte bancaire Amex. Cela pourrait changer bientôt avec la mise en service officielle de la « carte dorée » annoncée par Donald Trump. Son objectif : donner le statut de résident permanent aux étrangers qui achètent le précieux document pour cinq millions de dollars et leur ouvrir la voie de la citoyenneté américaine.
Enthousiaste, le locataire de la Maison-Blanche lui-même a fait monter la sauce en dévoilant un exemplaire aux journalistes à bord d’Air Force One début avril. Son visage, flanqué de la Statue de la liberté et du pygargue à tête blanche, l’emblème national, apparaît dessus aux côtés de sa signature, du nombre « 5 000 000 » et de l’inscription « The Trump Card ». « Des personnes fortunées viendront s’installer dans notre pays grâce à cette carte », a-t-il déclaré en février en annonçant le projet depuis le Bureau ovale. « Elles seront riches, auront du succès, dépenseront beaucoup d’argent, paieront beaucoup d’impôts et emploieront beaucoup de personnes ».
Présentée par le républicain comme une version « plus sophistiquée de la green card », la « gold card » doit remplacer le programme EB-5, qui permet à tout individu investissant entre 800 000 dollars et 1 million de dollars dans l’économie américaine, avec des objectifs spécifiques en termes d’emplois, d’obtenir le statut de résident permanent. En 2024, un nombre record de ces visas (12 055) a été délivré, essentiellement à des ressortissants chinois (69%). Mais le gouvernement Trump considère que la procédure, fondée en 1990 pour stimuler l’activité, est « ridicule », « bourrée de fraude » et permet « d’obtenir une carte verte à bas prix », selon les termes employés par le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick.
À la fin mars, ce dernier a indiqué dans un podcast que les États-Unis avaient vendu « mille gold cards » la veille de l’enregistrement – en réalité, aucune transaction n’a encore eu lieu, selon le New York Times, qui précise que les équipes d’Elon Musk sont en train de plancher sur un site pour traiter les demandes. D’après le ministre, quelque 37 millions de personnes dans le monde peuvent se l’offrir. Et Donald Trump pense pouvoir en écouler un million, avec l’espoir de réduire le déficit des États-Unis (1 300 milliards de dollars).
Le programme annoncé suscite néanmoins de nombreuses interrogations tant sur le plan pratique que philosophique. Les experts font remarquer que seul le Congrès peut décider de créer de nouvelles catégories de visas et de voies vers la citoyenneté, ainsi que supprimer les programmes migratoires existants comme l’EB-5. Autrement dit, la « gold card » pourrait être illégale.
Ming Chen, professeure de droit à l’University of California College of the Law, San Francisco (UC Law) et spécialiste des questions d’immigration, confirme que les parlementaires – et non le président – devront définir les détails du nouveau programme, comme les mécanismes de mise en vigueur et de prévention des abus, pour qu’il soit valide.
Par ailleurs, elle se dit « inquiète » quant au tarif élevé demandé et de l’absence d’obligation d’investissement économique rattaché au projet trumpien. « Ironiquement, ce prix plus élevé pourrait déprécier la citoyenneté américaine en la transformant en une simple transaction commerciale, affirme-t-elle. La citoyenneté est précieuse pour renforcer un pays, mais ce type de document peut attirer des personnes motivées uniquement par des intérêts financiers, peu soucieuses du bien-être de la nation et peu engagées dans son développement à long terme. C’est le genre de problème qui a conduit le Royaume-Uni à supprimer son visa d’investisseur, largement utilisé par les oligarques russes ». D’ailleurs, Donald Trump n’a pas exclu de vendre des « gold cards » à ces derniers. « J’en connais qui sont très gentils », s’est-il justifié.
Pour Sophie Raven, avocate d’immigration franco-américaine à New York, c’est ni plus ni moins qu’une « mauvaise idée ». « À partir du moment où l’on obtient une carte verte, on est imposé sur les revenus mondiaux. Je ne vois pas pourquoi des personnes très riches, même si elles ne font aucun business aux États-Unis, voudraient se retrouver taxées de la sorte ».
Un sentiment confirmé par le magazine Forbes, qui a sondé dix-huit milliardaires aux quatre coins du monde et constaté qu’il y avait peu d’engouement pour cette carte. Seul deux d’entre eux se sont dits intéressés. Trois ont hésité.
Donald Trump a indiqué que les détenteurs de « gold cards » ne seront pas soumis à l’impôt sur leurs revenus non-américains. Mais, là encore, le président n’a pas l’autorité d’en décider. Seul le Congrès peut modifier le code fiscal. Or, comme une super-majorité de soixante voix sur cent est requise au Sénat pour simplement ouvrir le débat sur la plupart des projets de loi, les républicains doivent obtenir l’appui de démocrates s’ils veulent arriver à leurs fins. Autrement dit, c’est mission quasi-impossible.