Ils ont cru à ce projet contre vents et marées. Les passionnés de voile à l’origine de l’Hermione ont accompagné la mise à flot de la coque éclatante, jaune et bleue, du navire, vendredi 6 juillet, à Rochefort. C’est dans ce port de Charente-Maritime qu’est née l’idée un peu folle de reconstruire à l’identique la frégate de La Fayette. En 1992, quatre passionnés de voile et des Etats-Unis, parmi lesquels l’écrivain Erik Orsenna, ont trouvé un projet pour symboliser l’amitié franco-américaine: l’Hermione. Cette frégate avait conduit le marquis de La Fayette aux Etats-Unis, en 1780, pour venir en aide aux Américains luttant pour leur indépendance.
Cette belle idée devient vite un défi. «Les plans de l’Hermione ont disparu, il a fallu cinq ans pour trouver ceux d’un bateau similaire, dans une bibliothèque anglaise», explique Rémi Forgeas, trésorier de l’association Friends of Hermione. Pour respecter l’authenticité de la reconstruction, l’Association Hermione-La Fayette rencontre de nombreux défis techniques. «La levée de fonds est moins difficile que les enjeux techniques», affirme Rémi Forgeas. «C’est un artisanat très précis. Il a fallu trouver des charpentiers de marine, forgerons, menuisiers, voilières… redécouvrir des techniques.» En 1997, le premier bois est posé, dans l’arsenal de Rochefort. Pendant quinze ans, entre sept et trente personnes travaillent sur le chantier tous les jours. 2 000 chênes tors sont dénichés par les charpentiers dans les forêts françaises pour la coque du bateau, long de 65 mètres. 400 000 pièces de bois et de métal sont assemblées. 1 000 poulies, 1 tonne d’étoupe pour le calfatage complètent le tableau. Restent les 2 200 m2 de voilure à hisser sur trois mâts. Le budget total s’élève à 25 millions d’euros, une somme financée à 1/3 par le grand public (associations et visites du chantier), 1/3 par les sponsors et 1/3 par les collectivités locales et publiques.
Si l’Hermione navigue aujourd’hui, le chantier est loin d’être terminé. A la frégate, semblable à une pièce de musée, seront intégrés des équipements modernes. «La sécurité de base impose d’installer des moteurs, en cas de démâtage, ainsi que des moyens de communication avec la terre», décrit Rémi Forgeas. Sans oublier ce qui est devenu le minimum vital. «Trente à quarante jours sur un bateau sans sanitaire, comme à l’époque, ce n’est plus imaginable», sourit le trésorier de l’association américaine. Le navire a rejoint samedi une autre forme de l’arsenal de Rochefort pour la dernière phase du chantier.
Dans trois ans, pour les 200 ans de la fin de la seconde guerre d’Indépendance, l’Hermione traversera de nouveau l’Atlantique. Dans la répartition des tâches entre Français et Américains, c’est là qu’intervient l’association Friends of Hermione: à sa soeur française la construction, à elle la traversée, et l’accueil sur le territoire américain. «C’était calme pour nous avant la mise à l’eau», reconnaît son trésorier. «Notre objectif désormais, c’est de trouver des ports pour accueillir le navire sur la côte Est (Boston, Philadelphie, New York, Washington D.C), et d’impliquer des écoles pour renforcer la pédagogie du projet.» Du travail en perspective pour la dizaine de membres de l’association côté Etats-Unis (contre 7000 en France).
Crédit photo : Le tableau de l’Hermione © Association L’Hermione-La Fayette