“Au centre du monde se trouve New York. Au centre de New York se trouve le Rockefeller Center. Au centre du Rockefeller Center, au coin de la 5e Avenue, se trouve la Librairie de France“, écrivait Jacques Folch-Ribas en 1997. Cela pourrait bientôt ne plus être le cas, avec la fermeture annoncée de la Librairie de France en 2009, date de la fin du bail. L’endroit, situé au coeur du Rockefeller Center, peut surprendre. En réalité, la Librairie de France nous rappelle quelle a été la fonction première du Rockefeller Center, lors de sa création, en 1932: accueillir l’élite intellectuelle européenne fuyant l’Europe en crise d’alors, qui allait bientôt subir la barbarie nazie. Aujourd’hui, l’endroit est resté fidèle à lui même. Si le rez de chaussée ne montre que les best sellers et les souvenirs pour touristes, c’est le sous-sol qui offre ses meilleurs richesses au visiteur désirant s’attarder quelque peu. Se perdre dans les rayons surchargés de livres – parfois introuvables en France – ne serait-ce que pour cinq minutes vous fait oublier que vous êtes en plein centre de Manhattan, sur la 5e avenue.
C’est un véritable parcours initiatique, où l’on rencontre Camus, Sartre, Molière, mais aussi les Guides Michelin, la “bibliothèque rose”, etc. Bref, une sorte d’univers de savoirs tous azimuts,en Français of course, mais aussi en Castillan; et qui s’entasse péniblement dans quelques dizaines de mètres carrés. Peut être les mètres carrés les plus chers du monde pour une librairie francophone.
Exorbitant
Emmanuel Molho, le patron de l’établissement, n’a “pas beaucoup d’espoir” pour la suite. “Avec l’explosion des loyers, c’est devenu impossible de survivre ici“, déplore-t-il dans un français impeccable. Difficile en effet de se maintenir, quand le mètre carré vaut 10 000$ à cet endroit. En 1988, déjà, un article de France-Amérique faisait mention des difficultés liées au coût exorbitant du loyer. Emmanuel Molho, venait alors de prendre la tête de la Librairie, après la mort de son père, Isaac Molho, le fondateur de l’établissement. A l’époque, la Librairie de France avait dû céder “60% de sa surface” après que le loyer ait augmenté de 300% au tournant des années 1980. Presque vingt ans plus tard, les choses ont empiré, et la Librairie n’a pas d’autre choix que de mettre la clef sous la porte. –p– Ni la ville de New York, ni la représentation française aux Etats Unis n’ont envoyé la moindre subvention à la Librairie de France, me dit M. Molho. “Ils s’en rendront compte quand il sera trop tard“, lâche-t-il, amer. L’avenir? Se reconvertir “sur le web“, me dit M. Molho, sans avoir forcément le même enthousiasme qu’un jeune “nerd” fraîchement embauché chez Google. “Nous allons essayer de trouver un local pour stocker les ouvrages, et nous allons nous lancer sur le marché de la vente de livres sur Internet: nous y aurons un vrai créneau, celui de la vente des livres rares et de la collaboration avec les Universités“.
Le pari est séduisant, mais parmi les employés et les clients habituées du lieu, l’ambiance n’est pas à la réjouissance. “La fermeture de la Librairie de France? Une perte inestimable” regrette Daniel, un musicien à Carnegie Hall, vivant dans le Village. Cet habitué de la Librairie de France se souvient: “j’ai appris le Français grâce à cette librairie“, dit-il, citant Pagnol, Cocteau et d’autres.
Une fonction pédagogique que revendique M. Molho: “si vous prenez la seule communauté française, ce n’est que 40 000 personnes. La communauté francophone, en revanche, est beaucoup plus importante à New York. Les Haïtiens sont sans doute nos clients les plus nombreux. Mais également les Africains francophones qui viennent de migrer aux Etats Unis et qui veulent apprendre l’anglais en partant du français“.
Age d’or
Au delà ce cet aspect éducatif, la Librairie de France est un élément de patrimoine à part entière à New York. Fondée en 1932 par Isaac Molho, un Juif sépharade de Salonique, en Grèce, tout fraîchement débarqué à New York, la Librairie s’est improvisée maison d’édition pendant la Seconde Guerre Mondiale. Pendant l’Occupation, les Editions de la Maison Française ont publié Raymond Aron, Gustave Cohen, Jacques Maritain, ou encore Antoine de Saint Exupéry, Georges Simenon et bien d’autres.
C’est sans doute pour cette raison que la première chose que l’on voit en entrant est le “Petit Prince”, qui trône fièrement à l’entrée de la boutique. –p– Selon Emmanuel Molho, l’âge d’or de la Librairie de France s’est située entre cette période des années 1940 et les années 1960, où “on recevait deux tonnes de livres français chaque semaine” se souvient-il.
Aujourd’hui,”tout a changé” considère-t-il. “Les langues étrangères n’ont jamais été importantes aux Etats Unis, mais le Français en particulier perd de plus en plus d’influence. La France est moins importante dans le monde d’aujourd’hui“. Sans doute la littérature française est-elle également plus accessible au consommateur, à l’heure d’Internet et de Amazon. “C’est une concurrence impitoyable“, pour M. Molho. “Regardez le dernier épisode de Harry Potter. Lorsqu’il est sorti, Amazon a perdu 10$ par livre vendu, et ils ont quand même fini le mois de juillet avec des bénéfices records! Comment voulez-vous rivaliser?” Mais pour lui, la clef est dans le prix du loyer:”tout le reste me serait égal si il n’y avait pas ce loyer. C’est ça, le vrai problème“. Dans deux ans, lorsque la Librairie de France fermera ses portes, ce sera aussi la dernière boutique indépendante du Rockefeller Center qui disparaîtra.
0 Responses
Faut-il vraiment regretter cette librairie qui meurt d’avoir voulu s’accrocher à une adresse certes prestigieuse mais qui a eu pour conséquence de rendre le prix de ses livres inabordables? La librairie de France aurait dû déménager depuis des années déjà dans un quartier moins cher, comme les librairies hispaniques qui ont choisi la 14e Rue Ouest. La clientèle aurait suivi. J’aurai suivi avec bonheur. Mais depuis des années, je commande mes livres au Québec car les prix de la LdF sont prohibitifs. Alors pour moi c’est sans nostalgie
The store has been living on borrowed times and its failure to make a proper business plan is no cause for tears.
It has been abundantly clear for several years that the area of Fifth Avenue in which Rockefeller Center sits was surpassing Madison Avenue in the 60s as the highest retail rent area of Manhattan, and indeed it did.
It was pure negligence not to plan on moving to an area say Broadway in the teens or 20s. Any guesses that Strand pays less rent than Librairie de France? Of course they do.
For me, I long ago decided it was better to take a an extra suitcase to Paris than shop in this store with its outrageous prices. While in Manhattan you could buy French bags, French shoes and French wine and not pay much different prices, books carried markups in the several hundred per cent range. (I remember a technical dictionary that was $175 a volume–15 years ago.)
Take a tip from another French retailer, Sephora, guys. They’re not crying; they’re making money.
Je suis parfaitement d’accord avec les deux commentaires precedents: la Librairie de France n’avait rien a faire au Rockfeller Center, elle aurait du demenager il y a fort longtemps, au lieu de vendre des Livre de Poche a $40.
En effet!!! il est impossible de survivre dans la vente de livres francais dans le secteur du Rockefeller Center !!!
La ldF ferme car elle est mal geree.
La derniere fois que j’y suis alle, il y a quelques jours, un americain a demande un DVD pour apprendre le Francais mais cet article n’est pas en vente.
Ce n’est malheureusement qu’une illustration parmi d’autres. Alors goodbye !
et inutile de mentionner le prix de leurs albums de Tintin et Milou!!!! ridicule….
tout à fait d’accord avec les commentaires ci-dessus. La LDF pratique des prix inabordables alors il y a longtemps que je commande par internet au Québec et même chez Gibert Joseph quand je fais une commande multiple où pourtant je paye en Euros…..Ca revient moins cher….quant aux livres introuvables, eh bien, ils peuvent le rester, je ne suis pas collectionneur..Au revoir LDF.
Librairie de France à New York
L’argent n’a que faire de la culture, et Wall Street encore moins de la langue française. Que tout périsse, pensent les pédégés et les banquiers, pourvu que le gros tas de billets virtuels grossisse au fond des coffres verrouilés. Les propriétaires, aveugles, sauf pour les éclats du fric, mettraient Dieu dehors s’ils pouvaient tirer un loyer plus gras de leurs tas de béton.
Que Monsieur Mollho ose l’impensable : aller dans un quartier pauvre, à côté des franciscains du Bronx par exemple. Sa librairie, si nécessaire à la France, n’attirera peut-être plus les branchés de l’hyper-mode, mais sûrement les affamés de beautés autres que celles des camés du dollar ou del’euro.
Dominique Daguet
écrivain
Je trouve toujours triste la fin d’une librairie et suis donc étonnée du manque de compassion de certains internautes… Ceci étant dit, si le livre de poche se vendait à 40 dollars pièce, je suis encore plus triste… L’amour de la littérature française aurait peut-être valu un déménagement dans un quartier plus abordable !Et un compromis avec l’héritage familial… Moi qui ne connais pas encore NY, j’en viens à me poser la question suivante : cela veut-il dire qu’il n’y a plus de librairie française dans cette ville cosmopolite ??!! Je me suis aperçue également qu’il n’y avait plus de théâtre français tel le Ubu theater ? Pour moi qui travaille depuis dix ans dans le secteur du théâtre contemporain en France, j’ai des frissons dans le dos, et également quelques velléités de monter un projet remédiant à ces deux manques!!! Si seulement travailler aux USA n’était pas si compliqué maintenant…
je suis d’accord avec chacun des commentaires précédents car chacun se justifie ; il n’empêche que La Librairie de France doit vivre. Notre si petit pays existe encore pour sa culture, ses idées et ses oeuvres et d’abord ses oeuvres écrites. Faire disparaître ce lieu de LaPensée serait aussi incongru qu’ignorer une personne comme Madame Betancourt.
Bonjour :
Qui pourrait me donner l’adresse e-mail et le téléphone/fax de cette Librairie ?
Je cherche : “Mineralogie de Madagascar” d’Alfred LACROIX – 1923 – Editeur Augustin Challamel ( 3 Tomes )
Merci pour tout renseignement.
Rockefeller Center Promenade
610 Fifth Avenue (between 49th & 50th St.)
New York, New York 10020 USA
http://www.frencheuropean.com/
Tel: 212.581.8810
Fax: 212.265.1094
Email: [email protected]
Store Hours: Monday-Saturday 10am to 6pm