En ce mercredi ensoleillé de juillet, Geoff Thompson se met au volant d’une voiturette de golf. En face de lui, un immense green abandonné. Il s’engage dans ses chemins sinueux, évitant les ilots de sable investis par la mauvaise herbe, longe un lac, passe un pont, remarque que des balles de golf sont toujours cachées dans l’herbe jaunie par le soleil d’été. « Là il y aura un terrain de sports, et là un parking», dit-il en montrant l’étendue verte, vallonnée.
Geoff Thompson connaît le Ridgeway Country Club comme sa poche. Et pour cause : il travaille pour l’agence de communication Thompson & Bender recrutée par la FASNY (French American School of New York) pour « vendre » aux habitants de White Plains le projet de construction du nouveau campus de l’école, à partir de 2013, sur ce terrain de golf vacant. Alors, à bord de sa voiturette, il embarque régulièrement élus locaux, responsables associatifs et journalistes pour leur vanter les mérites du projet. « Nous avons organisé des open-houses, plus de 100 réunions publiques dans toute la ville, envoyé 3 600 cartes postales, montré la propriété. Jamais, de tous les projets sur lesquels j’ai travaillés, la communauté n’a-t-elle été autant informée », souligne-t-il.
Et pourtant, le projet de la FASNY divise Gedney Farms, petit quartier résidentiel dans le sud de White Plains (Westchester), où se trouve le club. Ces derniers mois, des pancartes « FAS-NO » et « Stop FASNY now » ont fait leur apparition sur les pelouses de certaines des très chics maisons environnantes. A l’origine de la levée de boucliers: la Gedney Farms Association, un groupe de résidents emmené par son président Terence Guerriere, bien décidé à faire dérailler le projet, source selon lui de nuisances en tous genres. Si M. Guerriere et d’autres membres de l’association n’ont pas répondu à nos appels, ils ont écrit, dans une lettre publiée en juin 2012 dans un journal local, que « si FASNY construit son complexe massif, White Plains fera face pour toujours à un gouffre financier, et des problèmes de circulation majeurs. FASNY changera les quartiers avoisinants en mal, ainsi que la ville dans son ensemble. Dit simplement, une ville sera détruite un quartier après l’autre ».
Pour la FASNY, la construction d’un nouveau campus est devenue une nécessité. Eclatée sur trois villes (Mamaroneck, Scarsdale et Larchmont), l’école créée en 1980 n’a plus l’espace de ses ambitions. Elle compte aujourd’hui plus de 860 élèves de la nursery au 12th Grade, et voudrait en accueillir, à terme, 1200. En 2011, l’école s’est donc offerte les 130 acres du country club moribond pour y rassembler ses trois campus. Montant de la transaction : 8,5 millions de dollars payés en liquide. Les bâtiments de l’école, une salle de spectacle, des terrains de sports et des aires de parking seront construits dans l’est de la propriété, sur 40 acres. La majeure partie du reste sera reconvertie en réserve naturelle, ouverte au public. « Jusqu’à présent, la FASNY a réussi à croître dans des locaux qui ne lui appartenaient pas, insiste Mischa Zabotin, chairman du conseil d’administration de l’école. Le projet éducatif avait besoin d’être pérennisé par l’achat de quelque chose de concret. »
Les arguments mis en avant par les critiques sont variés. Dans une série de lettres envoyées au maire de White Plains, et mises en ligne au mois de juillet sur le site de l’association, les voisins rappellent que la FASNY, en tant qu’école, sera exemptée d’impôts alors qu’elle recourt aux services de la ville. En plus du surplus de circulation et de pollution, certains redoutent des nuisances sonores provenant des futurs terrains de sport et affirment que la FASNY n’a pas les moyens d’entretenir son immense propriété. Une voisine parle même, dans une missive adressée à son père, des « insectes de la FASNY » qui ont « inondé l’anniversaire de ton grand-père dans la cour» d’une maison proche du site, pour pointer ce qu’elle juge être l’entretien insuffisant du terrain.
A la FASNY, on minimise la fronde. « L’opposition est cantonnée au terrain immédiat du projet. Les voisins ont été habitués à vivre avec un golf dont personne ne se servait, selon Mischa Zabotin. Il y a aura un coût associé à notre arrivée – la circulation – mais il est compensé par le projet pédagogique, l’apport économique, la pérennisation des emplois et la ressource écologique qu’on va apporter au site». « Au final, c’est une histoire d’acceptation du changement », résume Geoff Thompson. Il indique que les plans initiaux du site ont été revus pour empêcher toute circulation au sein du quartier et que deux employés du club ont été recrutés pour s’occuper de l’entretien de l’espace. « On ne pourra pas convaincre tout le monde », dit-il.
L’étude d’impact environnemental du projet est toujours en cours. Si la FASNY obtient le permis de construire, les travaux pourraient commencer en 2013 pour se terminer en 2019. En attendant, Goeff Thompson n’en a pas fini de faire des tours du propriétaire en voiturette.
Photo: westfaironline.com
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