Depuis six mois, la France est en campagne contre la peine de mort partout dans le monde. Et notamment aux Etats-Unis.
En Amérique, les Etats-Unis sont « le seul pays du continent à procéder à des exécutions », souligne le dossier de presse du ministère des Affaires étrangères français. Celui-ci note l’abolition de la peine de mort dans l’Illinois ainsi qu’au Connecticut et la mise en place d’un moratoire dans l’Oregon. Et invoque Hugo, Camus et Badinter pour donner du crédit à son action. « La peine de mort n’est pas la justice, c’est l’échec de la justice », peut-on lire dans le dossier, qui précise que le combat contre la peine capitale est « la priorité » de Laurent Fabius.
La France arrive en terrain favorable aux Etats-Unis. Les inévitables erreurs de jugement ont instillé le doute dans l’opinion américaine et le soutien comme le recours à la peine capitale diminuent partout. Même au Texas, qui concentre environ la moitié des exécutions. Dans ce contexte, la France et les autres Etats membres de l’Union européenne, tous engagés dans cette cause, ne revoient pas leur action à la baisse. Bien au contraire : les aides aux associations militant pour l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis ont atteint deux millions et demi d’euros en 2009-2011.
Eviter de donner des leçons
Mais la France sait qu’elle marche sur des œufs. Lors de la dernière présidentielle américaine, son combat a été critiqué par une porte-parole du candidat républicain. Paris se garde bien de se placer en donneur de leçons. Ainsi, dès le lancement d’une coalition mondiale d’Etats pour l’abolition à la fin du mois de septembre dernier, en marge de l’assemblée générale des Nations Unies à New York, la France a préféré une approche pédagogique, en invitant des rescapés du couloir de la mort, libérés car ils ont pu prouver leur innocence, à témoigner. En l’occurrence, Kirk Bloodsworth, de l’association Witness to innocence, qui fut le premier condamné à mort à être innocenté grâce à des tests ADN il y a vingt ans.
Comme partout dans le monde, les représentants de la France ont commencé à publier des communiqués rappelant l’opposition du pays à la peine capitale après chaque exécution. Mais pas question de prendre directement part au débat.
Bientôt des colloques à Chicago et Houston
Des évènements ont eu lieu sur la côte Est, un colloque est programmé à Chicago les 19 et 20 avril et un autre est en préparation à Houston, en lien avec d’autres consulats européens. Mais à chaque fois, il s’agit bien de partager l’expérience française, dire qu’aucune hausse de la criminalité n’a été constatée à la suite de l’abandon de la peine de mort en France et que l’opinion, pourtant hostile à la réforme, s’est rapidement ralliée à l’abolition. Surtout ne pas se substituer à la société civile américaine. « En France aussi, elle a joué un rôle crucial », rappelle d’ailleurs Rosalyn Park, membre des Advocates for Human Rights.
Les atouts de la diplomatie et de la francophonie
Le rôle de la diplomatie n’est toutefois pas négligeable pour Emma Weisfeld-Adams, en charge de la communication d’Equal Justice USA. De Paris à Cotonou (le Bénin étant le dernier Etat à avoir ratifié le protocole international visant à abolir la peine capitale), « chaque fois que la peine de mort est rejetée, c’est un rappel que la société n’a pas besoin de ce système qui n’améliore pas la sécurité, ne répond pas aux besoins des familles de victimes de meurtres et exécute des innocents. Ces idées sont partagées dans le monde entier ».
La francophonie joue cependant un rôle particulier. Outre le fait que la Coalition mondiale contre la peine de mort est basée en région parisienne, le président du Center for Global Nonkilling, Glenn Paige, professeur de science politique à l’université d’Hawaï, raconte que la traduction de son ouvrage Non killing Global Political Science en français a permis de créer des antennes à Haïti et au Congo. « Je suis sûr que la francophonie va contribuer de façon créative à l’apogée d’un monde sans meurtre ».