Vous souvenez-vous du scandale Facebook, il y a quelques mois, lorsque les algorithmes du réseau social ont recommandé une vidéo de primates après avoir visionné des personnes noires ? Une évidence s’est faite : aussi puissants soient-ils, les algorithmes peuvent avoir des résultats totalement inappropriés lorsque les données sur lesquelles ils s’appuient ne sont pas assez bien traitées et cataloguées. Kili Technology, une startup française, propose une solution et part aujourd’hui à la conquête du marché américain. Elle vient d’effectuer un rebranding autour de cette phrase clé : « L’intelligence artificielle (IA) a beaucoup à apprendre et les données ont beaucoup à enseigner. »
Kili – le nom vient du Mont Kilimandjaro, car les deux fondateurs disent aimer relever des défis ambitieux – est la première collaboration entre François-Xavier Leduc (à gauche sur la photo) et Edouard d’Archimbaud (à droite). Le premier avait déjà monté une entreprise dans la mobilité, Tripndrive, qu’il a revendue à Travelcar en 2017. « J’ai pris le temps de réfléchir à la suite et j’ai réalisé que l’intelligence artificielle était la vague technologique la plus puissante depuis Internet. Le schéma de développement est le même, il faut faire partie des premiers entrants pour avoir du succès », raconte François-Xavier Leduc, CEO de Kili Technology. Il décide de contacter son ancien collègue Edouard d’Archimbaud, qui a créé et développé (plus de 50 employés aujourd’hui) le laboratoire IA de BNP Paribas.
Le duo s’adresse à un problème qui a fait surface avec la généralisation de l’utilisation de l’intelligence artificielle. « Pendant longtemps, la recherche autour de l’IA s’est focalisée sur des algorithmes sophistiqués, explique François-Xavier Leduc. Les scientifiques ont considéré que des modèles puissants allaient garantir une IA plus efficace et fiable, et la donnée n’était que complémentaire. Mais en réalité, l’IA doit être entraînée avec des exemples, c’est-à-dire des données. Donc avoir une bonne donnée est la fondation même d’une bonne IA ». Et c’est la mission que s’est lancée Kili, dès sa création en 2018. « Le principal défi aujourd’hui est la capacité à créer une donnée sans biais, qui est cruciale pour entraîner l’IA à être plus performante. » Les besoins sont immenses : aujourd’hui, 80 % des projets d’IA échouent à cause de la qualité des données, selon l’entrepreneur. Le rôle de Kili est d’annoter, étiqueter ces données afin qu’elles soient mieux traitées par les algorithmes et qu’elles permettent de parvenir à des résultats plus efficaces et rapides. Et, par conséquent, de réduire drastiquement les coûts de ces projets.
Les domaines d’application des services de la startup sont multiples, de la santé (analyses de radios de patients par exemple) et la mobilité (identification de plaques d’immatriculation) à la banque (annotation de comptes bancaires). Kili Technology compte déjà de grands comptes français parmi ses clients ; BNP Paribas, Crédit Agricole et LCL dans la banque, Safran et Thalès dans la défense, Michelin ou même Louis Vuitton. Elle vise désormais à monter en puissance sur le marché américain, et vient d’annoncer l’ouverture d’un bureau à New York. Le groupe a recruté un vice-président commercial américain rompu à l’exercice, Pike Reynolds, avec 25 ans d’expérience dans la vente de solutions aux données complexes. La startup comptera une équipe de 10 personnes fin mars, tandis que l’équipe tech restera basée en France.
« Les États-Unis sont un marché très concurrentiel, plus mature que l’Europe puisqu’il représente 40 % du marché mondial de l’IA. Les attentes d’excellence dans le produit et dans l’exécution sont très élevées », précise François-Xavier Leduc. Cela n’effraie pas l’entrepreneur pour autant puisque Kili travaille déjà pour IBM et va proposer ses services aux grands acteurs de la tech, du manufacturing et de la banque-assurance. Selon lui, les GAFA offrent des solutions trop limitées à ce problème de transformation des données, tandis que d’autres concurrents sont plus focalisés sur des problématiques sectorielles. La startup peut traiter tous les types de médiums : voix, image, vidéo, texte etc. Surtout, elle offre différents types de solutions en fonction de la sensibilité des données, une compétence critique lorsqu’il s’agit de manipuler des données personnelles ou protégées.
Kili a les moyens de ses ambitions : la jeune pousse parisienne a bouclé deux tours de table de 7 et 25 millions de dollars en 2021 auprès de Serena Capital, Headline et le fonds britannique Balderton Capital. Cette année, elle compte recruter une centaine de personnes et faire ses preuves outre-Atlantique. De quoi séduire un investisseur américain pour sa prochaine levée de fonds, en fin d’année.
Crédit photo : Kili Technology.