Elle a défilé pour les plus grands comme Chanel, Dior et fait les couvertures de magazines prestigieux comme Sports Illustrated. Mais à 35 ans et plus de 15 ans de métier derrière elle, Kenza Fourati a décidé de s’engager pour rendre l’industrie de la mode plus responsable. “J’aime mon métier de mannequin mais parfois on porte des vêtements dont on ne sait pas comment ils ont été fabriqué et avec quelle éthique”, explique la Franco-tunisienne qui habite à Brooklyn. “J’ai créé le label OSAY en août 2018, alors que j’étais enceinte de mon premier enfant. C’est une plateforme de produits d’artisanat tunisien, dont la tête de gondole est la babouche”.
Kenza Fourati a grandi à Carthage en Tunisie. Elle est repérée en 2002 par la célèbre agence Elite Model lors d’un concours international dans sa ville natale. “J’étais parmi les finalistes mais mes parents ont insisté pour que je passe mon bac avant de me lancer dans quoique ce soit”, se souvient-elle dans un sourire. “Je suis partie à Paris l’année suivante où j’ai commencé à travailler pour Elite. Je voyageais souvent à New York pour des défilés et photoshoots, jusqu’à ce que je finisse par y passer la majeure partie de mon temps. Je m’y suis installée définitivement en 2010”.
Une autre date a marqué la carrière et la vie de Kenza Fourati. Fin 2010, des manifestations sans précédent éclatent à travers toute la Tunisie pour protester contre le chômage, la corruption et la répression policière. La révolution tunisienne durera plus de deux mois en tout, faisant 329 morts et des milliers de blessés. “De nombreux artistes locaux ont été opprimés avant, pendant et après cette période. Ça m’a beaucoup touché”, raconte Kenza Fourati. “J’ai voulu célébrer leur art. Alors en 2012, j’ai fait venir plusieurs artistes de rue dans ma maison de Carthage. Ils ont peint des fresques sur les murs, on a également fait une série de t-shirts pour célébrer l’art tunisien. Ça m’a donné envie de faire plus”.
Quelques années plus tard, Kenza Fourati discute avec une amie américaine, Simone Carrica, qui travaille elle aussi dans l’industrie de la mode. “On a eu envie d’entreprendre. On s’est dit qu’on voulait changer cette mauvaise image du milieu et laisser quelque chose derrière nous”, explique la Franco-tunisienne qui commence alors à sourcer des designers et artisans de produits locaux en Tunisie. “J’ai trouvé une famille qui fabrique des babouches dans la médina de Tunis depuis trois générations. C’est une chaussure très ancienne au moyen-orient qui est présentée dans différents styles. A la différence de ce que peuvent penser les Français, c’est un produit de valeur que les hommes mettent souvent pour entrer dans la mosquée, et les femmes pour des événements importants comme les mariages. On l’a retravaillé pour lui donner un côté confortable et fashion”.
Le site internet OSAY (Our Stories Are Yours) voit le jour en août 2018 et regroupe une vingtaine de modèles de babouches différentes, ainsi que d’autres produits comme des t-shirts, bracelets et bougies. “On propose toujours de nouveaux modèles en fonction des chutes de cuir qu’on trouve. Il faut compte entre 125 et 145$ la paire de babouches hors soldes. C’est une chaussure parfaite pour voyager étant donné sa légèreté et son confort. On a une clientèle de mannequins, et de jeunes femmes actives en général”, détaille Kenza Fourati. Les babouches de OSAY sont disponibles sur le site de la marque, sur des plateformes comme Amazon, Etsy, mais aussi dans plusieurs boutiques aux Etats-Unis. Les babouches d’OSAY sont notamment en vente à New York dans le magasin Haus of Hanz dans le quartier de Cobble Hill.
“On est en train de grandir. Le confinement ne nous a heureusement pas trop impacté car on a beaucoup vendu en ligne. A l’avenir, on aimerait se développer et raconter d’autres histoires avec d’autres produits, représentés par d’autres artistes de plusieurs pays différents”. D’ici là, Kenza Farouti n’en a pas fini avec le mannequinat. “C’est un milieu dans lequel j’ai mes entrées et qui me sert beaucoup avec OSAY. Et j’essaie de faire ce métier plus intelligemment maintenant”.