Carinne Meyrignac se définit volontiers comme une scientifique, à l’aise avec les chiffres. Mais c’est finalement dans l’édition que cette ancienne banquière se réalise à Los Angeles. Elle a lancé Cali’s Book, des livres audio pour enfants, début 2019.
Un changement de vie qui n’était ni prémédité, ni voulu. Bonne élève en mathématiques, Carinne Meyrignac avoue s’être laissée “porter” après le lycée, faisant des études de commerce. Comme une majorité des élèves de sa promotion, elle s’oriente vers la banque, enchaînant les expériences à Singapour et Paris. Puis celle qui a aujourd’hui 40 ans, a suivi son mari américain rencontré à Paris. Ils s’installent à New York en 2013 puis à Los Angeles. Elle poursuite sa carrière, toujours en finance, de la Société Générale à Union Bank en passant par une filiales de Disney. Un milieu très masculin ce qui, jusqu’alors ne l’avait jamais dérangée. “Je n’avais jamais ressenti la discrimination, jusqu’au jour où j’ai eu des enfants”, explique celle qui est alors passée à côté d’une promotion. C’est la déconvenue.
Les livres sonores pour enfants n’existaient pas en anglais
Mais avant même cette déconvenue, elle avait, sans le savoir, amorcé sa reconversion. Elle s’intéresse déjà aux livres audio qu’elle a découverts en France lors de son congé maternité. “J’avais l’idée d’éveiller mes enfants avec des livres comme Le Petit Prince, mais les nouveaux-nés n’y sont pas forcément réceptifs, à la différence des livres sonores qui ont directement fait réagir ma fille”, se souvient-elle. Or, ce genre de livres n’existait pas en anglais – “ils sont peu rentables, trop chers à produire”. Sa belle-mère lui suggère alors d’y remédier.
Dans son coin, elle contacte sur Internet des chanteuses et des illustratrices indépendantes et mobilise ses amies mamans pour lui fournir des comptines populaires aux Etats-Unis ; de quoi concevoir un prototype original et adapté à la culture américaine. Lors d’un voyage personnel à Hongkong fin 2016, elle fait un détour par Shenzhen (en Chine) où elle va rencontrer des usines pour faire imprimer son premier livre audio (intitulé Sing With Me). Quelque 6.000 exemplaires sont édités avec ses fonds propres.
Pour les écouler, Carinne Meyrignac ne lésine pas et -en parallèle de son poste à Union Bank- fait du porte-à-porte auprès des boutiques et librairies de Los Angeles le week-end, quand son amie à Hongkong l’aide et en vend à la pelle. Puis l’enseigne de grande distribution Kohl’s s’y intéresse, en commandant plusieurs milliers. Mise en confiance, Carinne Mayrignac crée de nouveaux titres au fur et à mesure.
N’en tirant pas de profit, elle conserve l’édition en parallèle de son travail à la banque. Jusqu’au retour de son second congé maternité, où elle est victime d’un licenciement abusif. Une “période difficile” s’ouvre, la Française dépose une plainte pour dénoncer cette discrimination en tant que mère, qui se règle par un arrangement en janvier 2019. “J’avais atteint un point de non-retour avec la banque.”
Ereintée par cette affaire, elle décide alors de se dédier entièrement à sa maison d’édition, Cali’s Books, et de lui donner une viabilité économique. Inspirée par les demandes de ses amies, de son entourage et même les suggestions des clientes, elle crée une dizaine de livres sonores supplémentaires destinés aux enfants de 1 mois à 5 ans (un en Chinois, des comptines brésiliennes, un sur le reggae ou encore un en Espagnol), et commande 45.000 nouveaux exemplaires.
Pour les vendre en plus grand nombre, cet esprit comptable pense d’abord aux distributeurs. Mais elle réalise rapidement que leurs marges sont trop importantes et décide de proposer ses ouvrages sur Amazon. La stratégie est payante, les stocks sont écoulés en avril 2020 et elle vend quelque 60.000 livres l’année dernière.
Portée par cet enthousiasme, elle poursuit le développement de sa petite entreprise. Elle vient notamment de lancer une nouvelle ligne de livres où il est possible de s’enregistrer en lisant. Ainsi, les enfants peuvent écouter l’histoire des trois petits cochons, d’Hansel et Gretel ou du vilain petit canard dans une version lue et enregistrée par leur grand-parents. “Un produit qui n’existe nulle part”, vante Carinne Meyrignac. Et elle fourmille d’idées (tel qu’une version sonore des Fables d’Ésope), inspirées par ses enfants qui sont “ses cobayes”. “La collection va évoluer avec eux.” Avant de, pourquoi pas, s’attaquer au marché français. Une idée qui trotte dans sa tête.