Si vous le croisez sur un terrain, éloignez-vous avant que ce colosse de 1,91m pour 120kg vous plaque. La technique du “tackle” est devenue la marque de fabrique de Junior Aho, joueur de football américain à la Southern Methodist University de Dallas (SMU).
D’abord passionné de judo dans lequel il a été sacré champion de France junior, le Niçois de 21 ans s’est initié au football US sur le tard, à l’âge de 15 ans. “Un ami de classe de ma grande sœur jouait au football US dans le cub des Aigles Rouges de Nice. Sa famille m’incitait régulièrement à venir essayer, mais je n’étais pas très chaud car je ne connaissais rien de ce sport”, se rappelle Junior Aho. “J’ai fini par me laisser tenter et j’ai tout de suite été séduit par l’esprit d’équipe, le côté familial, et par le jeu qui demande un mélange de physique, de technique et aussi beaucoup de tactique”.
Comme un poisson dans l’eau dans son nouveau sport, le grand costaud se démarque dès sa première année avec une convocation en équipe de France U19 à seulement 16 ans. Il choisit ensuite un pôle espoir privé à Montpellier pour poursuivre sa progression, mais sa famille connaît des difficultés financières. “Ça s’est mal passé, j’ai arrêté les études et suis rentré à Nice”, confie Junior Aho. Il reprend alors avec le club de Nice où il finit vice-champion de France, de quoi attiser la convoitise d’une club voisin de Marseille, les Blue Stars, où il signe en 2017 à l’âge de 17 ans. Une aventure marseillaise qui va enfin lui permettre de gagner en visibilité. “Ça m’a permis d’être surclassé en Équipe de France senior avec qui nous avons gagné la Coupe d’Europe en 2018. J’ai été repéré à ce moment-là par des universités américaines”, raconte le jeune champion.
Mais avant d’espérer intégrer une équipe universitaire, il lui faut se mettre à niveau scolairement. “J’ai atterri en janvier 2019 à l’institut militaire du Nouveau Mexique à Roswell. Je ne parlais pas un mot d’anglais, ça a été très difficile au début”, se souvient-il. Mais celui qui a toujours cru en son destin sportif se retrousse les manches et performe aussi bien en cours que sur les terrains. “J’ai réussi l’exploit d’être repéré par deux grosses universités avant même le début de la saison de foot US, grâce à des vidéos d’entraînement“, raconte le joueur évoluant sur la “defensive line” (ligne défensive). “J’ai redoublé d’efforts pour obtenir mon diplôme en seulement trois semestres pendant lesquels j’ai reçu en tout 14 offres d’université”.
Cette fois-ci, la chance semble vraiment tourner pour Junior Aho, qui décide de s’engager en janvier 2020 avec la Southern Methodist University de Dallas (SMU), qu’il doit rejoindre quelques semaines plus tard. Mais le jeune sportif se déchire un pectoral en février. “J’aurais dû me faire opérer mais mon assurance américaine ne remboursait pas les soins”, lâche-t-il. “J’ai dû rentrer en France, en plein confinement, où j’ai pu finalement récupéré sans opération”. Junior Aho ne sera de retour aux US que quatre mois plus tard, en juin. “J’ai pu enfin commencer le 20 juillet avec mon club (SMU Mustangs), avant qu’on soit stoppé par un trop grand nombre de cas de Covid dans l’équipe”.
Le Français fera finalement ses vrais débuts avec sa nouvelle équipe en août 2020, à l’occasion de la préparation physique précédant le début de la saison prévue en septembre. “J’ai eu seulement un mois pour tout apprendre : le système de jeu de l’équipe, les tactiques et me mettre à niveau physiquement”, explique celui qui porte aujourd’hui le numéro 33. S’entraîner toujours plus dur et progresser au quotidien est le leitmotiv de Junior Aho, qui aura participé aux dix matches de son équipe lors de cette première saison, avec une titularisation et la réalisation notamment d’un superbe “sack” (plaquage du quaterback adverse). Un début prometteur pour un “freshman” (joueur de première année). “Je suis content de ma saison, j’ai réussi à me faire une place forte dans l’équipe”, analyse-t-il. “Mes qualités sont surtout la vitesse et l’impact physique”.
Aucun Français n’évolue actuellement en NFL (au total 6 Français y ont joué, souvent de manière assez éphémère). C’est le grand rêve de Junior Aho. “Mon but c’est de jouer en NFL, bien-sûr, en passant par la grande porte de la draft. J’ai cette volonté d’y aller en étant performant”, résume l’ambitieux défenseur. La concurrence s’annonce rude car le football universitaire est une religion aux Etats-Unis, avec plusieurs centaines d’équipes à travers tout le pays. Parmi elles, la Division 1 regroupe les dix meilleures conférences avec à l’intérieur un top5 appelé “Power 5”, et les cinq suivantes réunie sous le nom de “Group of 5” dont fait partie SMU Dallas. En résumé, SMU Dallas ne fait partie pas partie de l’élite du football universitaire, mais l’équipe du Texas fait partie des toutes meilleures équipes de ce “group of 5”, de quoi attirer l’oeil des recruteurs de NFL. “Je suis convaincu d’avoir le potentiel. Ç’a été beaucoup de travail et de sacrifices jusqu’à maintenant, et je commence à être impatient”, confie Junior Aho, avant de temporiser. “Mais il me reste trois ans d’études, donc on verra”.
Plusieurs autres joueurs français d’université américaine rêvent comme lui d’atteindre un jour la NFL. Cela traduit de la bonne forme du football américain en France, qui se développe avec aujourd’hui 225 clubs et plus de 23 000 licenciés. “On ne peut évidemment pas comparer les deux pays, mais la France est dans la bonne direction avec une fédération qui se décarcasse pour donner de la visibilité au sport, et un média comme L’Equipe qui diffuse et couvre désormais la NFL”, analyse Junior Aho. Le Français sera évidemment devant son poste de TV dimanche, pour le fameux Super Bowl qui oppose cette année les Tampa Bay Buccaneers de l’immortel Tom Brady (43 ans!), face aux Kansas City Chiefs de Patrick Mahomes. “Je vais mettre une pièce sur les Chiefs car c’est une équipe plus complète, notamment sur leur ligne défensive”, estime Junior Aho, avant de nous confier avec des étoiles dans les yeux : “le Super Bowl est le rêve de tout joueur de foot US. J’espère y être un jour”.