Ambiance aseptisée, des images de San Francisco derrière un store, un présentoir en bronze où s’empilent des magazines de voyage, et la voix doucereuse d’une hôtesse de l’air.
Bienvenue à T&T Consortium. Agence de voyage ? Aéroport ? Salle d’attente ? En empruntant au vocabulaire visuel de la communication publicitaire, l’artiste française Julie Béna souhaite bouleverser le spectateur dans sa perception de la société de consommation. Une installation à voir jusqu’au 18 octobre au FIAF, dans le cadre du Festival Crossing the Line.
Depuis ses débuts en France et en Europe, la jeune femme s’amuse à détourner les objets du quotidien pour en faire des objets de réflexion. Cette installation new-yorkaise prolonge son solo show “Das Reiseburo” – agence de voyage en français – à Paris en 2012. A Prague, elle décide de créer de faux magazines de voyage. “C’est en travaillant à Montréal que je me suis intéressée aux talk-shows, et particulièrement aux pubs qui interviennent toutes les 15 minutes, explique Julie Béna. C’est la présence de cette pub globalisée et globalisante, qui m’a donné l’idée d’Atoll Corporation, à l’origine de T&T Consortium.”
Au cours de cette installation, deux vidéos d’une minute trente viennent d’ailleurs rappeler, à la manière d’un flash publicitaire “qu’on n’échappe pas à la consommation.”
La signature de cette société fantôme est apposée sur chaque objet – du stylo au badge, en passant par les magazines ou encore le faux plan d’évacuation. “Je souhaitais développer Atoll Corporation non pas en elle-même, mais à travers ses produits dérivés, précise Julie Béna. On a de fait l’impression qu’il s’agit d’une société réelle, avec une matérialité, alors qu’en vérité, elle n’existe pas.”
Plongé dans cet espace artificiel dont il connaît les codes malgré lui, le spectateur est en proie au doute. “La publicité délivre un message clair, direct, qui ne donne pas d’espace à la réflexion, explique Flora Katz, conservatrice. Ici, l’installation agit comme une matrice et invite à la critique, mais de façon subtile.” D’où cet oxymore dans le titre “You’re Already Elsewhere” : une invitation à un voyage “préfabriqué“.