Maintes fois mis en scène et adapté au cinéma (Jean Renoir en 1946, Luis Buñuel en 1964…), Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirabeau a un nouvel admirateur: le réalisateur français Benoît Jacquot.
Son “Journal d’une femme de chambre” (“Diary of a Chambermaid”), avec Léa Seydoux et Vincent Lindon, sort à partir du vendredi 10 juin aux Etats-Unis, un peu plus d’un an après sa sortie française. “Je connaissais déjà bien deux des trois films qui ont été tirés de ce roman mais je n’avais jamais lu le livre” explique-t-il à French Morning à l’occasion de la sortie américaine du film. L’aide de la réalisatrice française Hélène Zimmer, avec laquelle il a écrit le scénario, a permis à Benoît Jacquot de parfaire l’idée de son futur film, au travers des yeux d’une femme.
Nous sommes au tournant du XXe siècle. Fraîchement débarquée de Paris, Célestine (Léa Seydoux) se retrouve face à elle-même dans une maison normande, dirigée d’une main de fer par Madame Lanlaire et son mari aux manières déplacées et tendancieuses.
Lucide et ambitieuse, Célestine va “essayer par tous les moyens possibles d’échapper à ce piège”. Sa rencontre avec Joseph (Vincent Lindon), le jardinier de la maison, n’aidera pas la jeune femme à échapper à son sort, bien au contraire. L’homme aura sur elle une influence négative et irréversible, la poussant dans des travers autodestructeurs. “Elle n’ira que de mal en pire” , affirme le réalisateur.
“Suivre un personnage féminin piégé par le sort social de l’époque est quelque chose qui m’intéresse beaucoup, poursuit-il. J’aime beaucoup ce personnage. Personne ne mérite un destin pareil. Elle se rebelle contre ce que lui impose son sort social et elle affronte une impasse, dramatique et inévitable.”
Le film est porté par Vincent Lindon et Léa Seydoux, avec laquelle Benoît Jacquot avait déjà travaillé sur “Les Adieux à la reine”. Mais le film fait aussi la part belle à des acteurs moins connus comme Mélodie Valemberg, qui joue le rôle de la cuisinière, ou encore Vincent Lacoste. “Je pouvais me permettre de constituer la population du film de façon inventive, en cherchant des acteurs qui ne sont pas forcément connus”, explique le réalisateur.
Les spectateurs seront peut-être surpris par les nombreux écrans noirs qui séparent les scènes du film – un “rythme de journal” selon le réalisateur. Les dialogues sont peu présents et de longs plans donnent au film une portée plus obscure, pesante et dramatique. Comme une longue scène où Célestine frotte les carreaux du sol chez les Lanlaire. “Pour moi, c’était très important de faire ressentir physiquement ce qu’elle était en train et de vivre et ce qu’elle essayait de fuir, de faire ressentir cette pénibilité dans certaines situations.”
Si l’histoire est ancrée dans la France du début du XXe siècle, elle n’a pas pris une ride. “Le livre représente cette époque de façon très précise, virulente et violente. Il m’a semblé présenter un certain nombre d’échos avec ce que la France vit aujourd’hui. D’une certaine façon, une ségrégation sociale et culturelle est née en France à cette époque-là et a tendance à réapparaître avec force et popularité depuis quelques années.”
Depuis la sortie du film, Benoît Jacquot a réalisé “À jamais” , tiré d’un roman de Don DeLillo et qui sortira normalement en novembre à Paris. “Un autre film est prévu en février 2017, avec les acteurs Charlotte Gainsbourg et Gaspard Ulliel”.