Il suffit de tendre l’oreille pour s’apercevoir que la foule est très majoritairement russe. On croirait s’être trompé d’adresse. Après vérification auprès d’une femme à l’anglais plus qu’approximatif, il s’agit bien de la queue pour le spectacle du chanteur Français. À l’intérieur, les affiches en russe témoignent du public ciblé. Dans un quartier russe de Brooklyn, un parfum d’URSS, une salle de sexagénaires chantonne les grands classiques de Joe Dassin.
Pour ne pas être surpris, encore fallait-il savoir qu’il avait, côté soviétique, fait vibrer toute une génération et qu’il demeure aujourd’hui plus connu en Russie qu’en France. Le plus Français des Américains était également le plus Russe des Français. Son grand père, Russe d’Odessa immigra aux Etats-Unis pour faire fortune. Plus tard, le maccarthysme qui n’épargna pas Hollywood força son père, Jules Dassin, célèbre metteur en scène et sa famille à l’exil. Les Russes n’oublieront jamais les origines slaves de leur Français préféré, les tubes de Joe Dassin passent encore sur les ondes moscovites. Où qu’ils soient, ils connaissent ses chansons par cœur et en français. D’aucuns racontent même qu’il serait encore vivant et mènerait une vie paisible en Sibérie, loin du show business.
Non, celui que l’on appelait aussi “l’Américain des Champs Elysées” n’a pas de chansons à texte, son répertoire est populaire, un peu “cheesy”, kitch et c’est précisément ce qui fait son succès et son caractère indémodable. En revanche, revu par une troupe d’anciens de la Star Académie québécoise habillés en quasimodo, le spectacle-hommage en devient mièvre et grotesque. A-t-on voulu trop bien faire où a-t-on délibérément monté un spectacle au goût du public de l’ex-Union Soviétique? Car, malgrè quelques désertions, la salle semblait comblée.
Avec Starmania, les Québécois nous avaient habitué à des spectacles de meilleure qualité. L’absence d’orchestre est regrettable, la mise en scène à la fois pauvre et de mauvais goût n’apporte rien aux mélodies qui font date et les voix de jeunes premiers donnent un côté fleur bleue digne d’une comédie musicale de second rang. Dans “siffler sur la colline”, Joe s’adresse à une bergère, coquine certes, mais pas à une fille de saloon racoleuse… Où sont passés la simplicité, la classe et la voix chaude du grand brun aux yeux bleus? L’erreur est peut-être d’avoir cru pouvoir faire un spectacle à la hauteur du personnage.