Ils s’appellent Maxfield, Just One Eye, The Webster, Terminal 27 ou encore H.Lorenzo. Ces magasins ou concept-stores installés à Los Angeles distribuent aujourd’hui les marques les plus influentes du monde du prêt-à-porter, du bijou et des accessoires de mode. Des temples souvent réservés aux marques stars où les jeunes créateurs rêvent d’être distribuées.
Si plusieurs marques françaises, déjà établies, à l’instar de Jacquemus, Marine Serre, Alexandre Vauthier, Ludovic de Saint Sernin, Louis Gabriel Nouchi et plus émergentes telles Carne Bollente ont gagné leur place dans la Cité des Anges, le parcours réservé aux jeunes créateurs n’est pas simple. Consultant en communication à Los Angeles, Jonathan Frydman, qui a notamment accompagné la jeune marque new-yorkaise Paris Laundry et la marque de soins Fré pointe l’importance de la visibilité. « La distribution est un élément capital. Être vendu chez Erewhon, The Webster ou Maxfield donne de la crédibilité. Du name dropping qui convainc ensuite la presse de s’intéresser à vous. »
À défaut de trouver une boutique ou un showroom, reste au jeune créateur n’ayant pas les moyens, à faire parler de soi. « Avec du courage, de la persévérance et les bonnes connexions, des opportunités s’ouvrent un moment ou l’autre, continue Jonathan Frydman. Il faut sauter sur celles qui se présentent. Le placement de produit, une célébrité qui porte une de vos créations, l’attention d’un investisseur par la lecture d’un article dans la presse mode professionnelle, tout cela peut y aider ».
Rare jeune créateur français à avoir réussi à imposer sa marque dans l’un des temples de la mode, The Webster, Philippe Uter connaît tous les rouages du sujet. « Lorsque j’ai présenté ma première collection aux acheteurs, les types de sets en soie avaient la cote, explique-t-il. Ils ont tout de suite accroché au concept, au design, à la qualité. Une opportunité incroyable quand on se lance sans aide, qui m’a fait connaître auprès de la presse, des célébrités, des acheteurs d’autres boutiques et auprès de tous les acteurs de l’industrie. »
Mais décrocher la porte d’un temple de la mode peut aussi ne pas suffire. Si le gain de visibilité peut aider, « vendre dans un multimarque pose le problème du rapport de marge entre le prix d’achat et le prix de revente, ajoute Philippe Uter. Les profits sont limités, et généralement insuffisants pour subvenir au bon développement d’une marque ou d’une prochaine collection. Les magasins attendent que nous développions quatre collections par an et cela réclament un gros budget, auquel il faut ajouter marketing et communication. En vendant uniquement sur ma plateforme, je pourrais à l’avenir conserver 100% de mes profits et espérer financer de futures collections. »
Le 19 septembre dernier, la créatrice française de bijoux Marie-Alexandrine Yvernault faisait, elle, son entrée pour la première fois au sein de la sélection du magasin Maxfield, à West Hollywood. Pas de stratégie écrite à l’avance ni de dossier envoyé pour être sélectionnée, mais un coup de chance lui permet de faire connaître ses collections à LA. « Si j’avais déjà exposé mes bijoux à New York à la Magen H Gallery, je ne connaissais pas vraiment le marché américain, explique-t-elle. Ma grande chance a été de rencontrer Tommy Perse, le fondateur de Maxfield, dans la galerie d’art que tient mon mari à Paris. Il a aimé mes bijoux et m’a proposé de les y exposer. » Depuis plusieurs semaines, une cinquantaine de ses pièces, toutes enrobées de pierres, y sont ainsi présentées.
Pour pousser un peu plus la chance, d’autres font appel aux showrooms ou aux brand strategist. « Dans le domaine de la joaillerie, seules les marques très connectées réussissent à faire leur place », explique Lionel Geneste, fin spécialiste du secteur et qui représente notamment la créatrice française Sylvie Corbelin, le créateur américain Mike Joseph et la maison indienne VAK aux États-Unis.
Selon lui, certaines maisons bien connectées, à l’image de la créatrice Marie Lichtenberg, ancienne éditrice du Elle, peuvent y parvenir seules. « Installer son produit dans une boutique ne suffit généralement pas à faire sa place. LA comme New York imposent aux marques d’exister et d’être actives. La résonance de la ville, d’Hollywood, dans le monde entier, ses événements obligent à faire partie du système, à cultiver un réseau de stylistes, de célébrités, de clientes, à représenter son créateur aux bons moments, à connaître les magasins, leurs clientèles, les bons acheteurs jusqu’aux équipes de vente qui parleront de la marque aux potentiels clients. ».
Les marques de joaillerie et d’accessoires choisies par les concept-store proposent aujourd’hui, dans la majorité des cas, leurs créations en dépôt-vente, un format qui permet au magasin de ne pas s’engager sur les achats et ventes, et promet au créateur de bénéficier d’une large visibilité et d’un nouveau potentiel de clientèle.
« Chaque jeune créateur qui souhaite s’installer et durer à Los Angeles appelle à une stratégie particulière, poursuit Lionel Geneste. Certaines parient sur le bénéfice d’image, d’autres sur les ventes et sur la conquête d’un nouveau marché. Tous devront concourir avec les grandes maisons du luxe qui proposent toutes, depuis quelques années, leurs collections de joaillerie et faire parler d’elles aux bonnes personnes. Nous tentons de les y aider. »