C’est rare de connaître aussi bien un établissement scolaire quand on en prend la direction. Mais pour Jérémie Bourdon, le Lycée Français, c’est un peu chez lui. Onze années qu’il arpente ses couloirs, d’abord pour se rendre dans sa salle de cours quand il est arrivé comme professeur de mathématiques, puis petit à petit pour rejoindre l’étage de la direction jusqu’à occuper, aujourd’hui, le bureau de chef d’établissement. Jérémie Bourdon vient d’être nommé à la tête de l’institution new-yorkaise de l’Upper East Side après le départ de son prédécesseur, David Hawley, parti pour des raisons de santé, quelques mois seulement après sa prise de fonction. « Il va mieux, nous en sommes ravis ! », commente sobrement le nouveau dirigeant du Lycée.
Jérémie Bourdon ne découvre pas vraiment son poste de Head of School car il assurait déjà l’intérim depuis le mois d’octobre. Sa nomination à la tête du Lycée, officialisée le mois dernier, a toutefois constitué « une surprise , dit-il, car on ne s’attendait pas à ce que le chef d’établissement ne revienne pas ». Mais cette promotion s’inscrit aussi, selon lui, dans une logique de continuité, « le board et la communauté du Lycée me connaissent et connaissent mon travail depuis longtemps », ayant passé près de la moitié de ses 25 ans de carrière au sein de l’établissement de l’UES.
Il y a d’ailleurs assuré différentes fonctions – certainement l’une des raisons de son inlassable enthousiasme. Après avoir enseigné en France au Lycée Militaire d’Aix-en-Provence en classes préparatoires et passé le concours pour devenir proviseur, il a eu l’opportunité, en 2013, de venir travailler au Lycée de New York, « embarqué dans cette aventure », comme il dit, par le chef d’établissement de l’époque. « J’ai enseigné les mathématiques durant un an mais mon autre passion, c’était la technologie au service de l’éducation. » Il est alors nommé Directeur de la technologie, puis Chief Information and Data Officer, poste consacré à l’utilisation des données du Lycée. Il se voit ensuite confier les rênes de la partie lycée avant d’être promu à la tête du secondaire, puis Proviseur-adjoint, Proviseur par intérim et enfin Proviseur.
« Une ascension assez remarquable pour moi, constate-il avec un certain étonnement. Peut-être à l’image de ce ce j’ai donné à cet établissement dans les différents rôles. » Une expérience professionnelle riche qui lui a donné, dit-il, « cette compréhension assez holistique de l’établissement parce que je l’ai vu de l’intérieur, j’ai interagi à la fois avec les élèves et les membres de la communauté » et qui lui permet aujourd’hui, analyse-t-il, « d’avoir une approche complète quand on pense à une situation, à une problématique ou quand on se projette vers l’avenir ».
Parmi ses prérogatives avant la fin de l’année scolaire, le passage des Baccalauréat Français international (BFI), première promotion au Lycée. Un bac avec ses modules de recherche « connaissance du monde » qu’il juge « parfaitement adapté » aux élèves du Lycée qui évoluent dans un monde multiculturel – l’établissement regroupe 60 nationalités et 34 langues parlées différentes -, se félicitant au passage des premières admissions de cette promotion BFI 2024 dans les universités « les plus réputées, aux États-Unis et dans le monde ».
Sur son bureau, les dossiers ne manquent pas pour préparer au mieux les élèves au monde d’aujourd’hui – développement durable, défis technologiques, information et désinformation… Dans un large sourire, il se dit « très optimiste » pour les jeunes générations et entend bien n’éviter aucun sujet. « L’intelligence artificielle par exemple, on s’en saisit au Lycée, on ne la rejette pas, au contraire. Mais on le fait dans des conditions qui accompagnent au maximum les élèves pour qu’ils en comprennent à la fois les bénéfices et les dangers potentiels. »
Et face à l’omniprésence du digital, qui peut devenir oppressante pour les adolescents, Jérémie Bourdon a mis en place un programme pilote dans les classes du collège : tous les matins avant le début des cours, les téléphones portables sont placés dans une pochette et ne sont récupérés qu’en fin de la journée. « Les élèves se sont habitués et semblent contents. D’autres écoles nous contactent pour s’inspirer de ce programme. C’est un équilibre qu’il faut trouver : pas tout interdire mais, au contraire, accompagner au maximum ».
Jérémie Bourdon prépare déjà la prochaine rentrée. Et pour cet amoureux du quartier, que l’on peut croiser en famille promener sa chienne Maya le long de l’East River, le Lycée Français de New York constitue une formidable opportunité. Pour les élèves comme pour lui.