Depuis plus de vingt ans, Jean Pommier enchaîne les courses et les records : quinze titres nationaux pour les Etats-Unis en ultra marathon, médaille de bronze en individuel et par équipe aux Championnats mondiaux Masters 2011 en marathon, troisième vétéran des 20 km de Paris en 2006, et des distances des plus en plus longues, jusqu’à 161km… A 57 ans, il ne compte plus les médailles ni les trophées, fruits d’une passion de la course à pied qui l’a saisi lorsqu’il s’est installé aux Etats-Unis, en 1998. “La course est vraiment une satisfaction personnelle, et une échappatoire au travail”, explique cet ingénieur, actuellement CTO chez IBM dans la Silicon Valley. “Quand je suis arrivé en Californie, au départ pour seulement deux ans, j’avais cette image que tout le monde pratiquait la course. Je me suis fixé comme objectif de finir mon premier marathon pendant cette période, moi qui devenais violet quand je courais dix kilomètres !”
Sa première course est justement le 10k de Palo Alto, puis vient le marathon de San Francisco en 1999, puis celui de San José, puis la qualification pour Boston. “J’ai couru ce marathon mythique sept fois. Pour se qualifier, il faut atteindre des minima. La cerise sur le gâteau, c’est de monter sur le podium dans mon groupe d’âge, les plus de quarante ans, en 2005…”
Le marathon, une distance trop courte…
Non content d’enchaîner les podiums, Jean Pommier ne se satisfait plus des 42,195 km du marathon, une distance qui lui semble “trop courte”. Il se lance alors dans l’ultra, abréviation d'”ultra marathon”, une discipline qui désigne n’importe quelle course d’une distance supérieure au marathon. “En 2007, j’ai couru le Western States Endurance Run pour la première fois. Il s’agit de parcourir 100 miles entre Squaw Valley et Auburn, dans la Sierra Nevada. C’est une course mythique, réservée à seulement 365 participants, sur les 6000 coureurs qui s’inscrivent chaque année.” L’ultra se court en général en une journée, mais certaines courses durent de 24 heures à 6 jours…”On peut dormir un peu, mais pas trop, par tranches de vingt minutes environ.”
Depuis cette première expérience, Jean Pommier a ajouté 168 autres ultras à la longue liste des courses auxquelles il a participé. La course à pied est devenue, selon lui, à la fois “une passion et un deuxième métier“. Avant de se lancer, il a lu des ouvrages de reférences sur le sujet, tels Born to Run de Christopher McDougall, ou How to Train For and Run Your Best Marathon de Gordon Bloch. Jean Pommier consigne dans un fichier Excel chacune de ses courses, notant le temps, la distance, le lieu, la météo et son ressenti. “Beaucoup d’applications permettent de faire la même chose maintenant. Pour moi, ce fichier est un journal de bord, avec plus de 4000 entrées en vingt ans.” En parallèle, son blog FartherFaster relate depuis 2007 sa passion de l’ultra à travers plus de compte-rendus très détaillés de ses courses.
Pour s’entraîner, il suit une discipline rigoureuse, avec un entraînement quotidien, soit sur le temps de midi, soit vers 5am avant de commencer à travailler : “courir permet de bien réfléchir“, affirme Jean Pommier. “J’ai fait d’excellentes présentations ou j’ai eu de bonnes idées pour le travail après avoir couru…” Amené à voyager souvent pour des raisons professionnelles avant la pandémie, il enfile toujours ses baskets pour découvrir en courant les villes qu’il visite. Depuis trois ans, il suit également un régime cétogène, riche en matières grasses qui lui fournissent l’énergie nécessaire pour courir de longues distances.
La valeur attend le nombre des années
Conscient d’avoir commencé la course sur le tard, en milieu de trentaine, Jean Pommier affiche fièrement ses records personnels : “J’ai couru mon meilleur marathon à 39 ans, mon meilleur semi-marathon à 49 ans, mon meilleur 50km à 52 ans…Dans l’ultra, on voit plus de gens plus âgés que dans d’autres distances. Dans mon club, quelqu’un a commencé à 64 ans…” En 2016, Jean Pommier fait un AVC à 1.5km de la ligne d’arrivée, qui sonne comme une alarme, mais n’arrête pas l’ultra marathonien. “J’ai perdu la vue pendant 20 secondes. J’ai sprinté à fond, et j’ai battu mon record personnel. Quatre semaines plus tard, je courais un autre ultra…”
Curieux de voir jusqu’à quel âge il pourra courir de façon modérée, il était habitué à participer à une course toutes les trois semaines avant la pandémie, et attend avec impatience la reprise des compétitions. “Elle devrait s’effectuer à partir de juillet. On s’attend d’ailleurs à un grand boum de l’ultra, car beaucoup de gens se sont mis à courir pendant les différents confinements.” De quoi motiver Jean Pommier à rester au plus haut niveau de ce sport d’exception.