Depuis six ans, Jean-Michel Cohen Solal arpente les rues de New York. Dans sa ville d’adoption, où il a atterri dans l’espoir de faire carrière comme guitariste de jazz, il écoute de la musique, enseigne le français et écrit. Tout comme le personnage principal de son deuxième roman, La Passion du Nègre, paru le 18 mai.
Il y est question d’un auteur en panne d’inspiration qui déambule dans la ville, le coeur brisé, lorsque son chemin croise celui d’un écrivain américain célèbre – l’énigmatique “M”. Ce dernier, gagné par la maladie d’Alzheimer et en proie à la perte de ses facultés intellectuelles, lui propose d’écrire son ultime roman avec lui. Le narrateur entame ainsi une relation fusionnelle avec ce personnage, musicien comme lui, qu’il décrit comme une “doublure”, au point que la démence naissante du second ne vienne troubler, semble-t-il, la santé mentale du premier.
“Mon livre peut être vu comme une mise en miroir sur la création littéraire”, explique Jean-Michel Cohen Solal. “L’écriture, ce n’est vraiment pas évident. Vraiment pas. Mais la création est pour moi une manière de m’arracher à une société sans poésie et sans rêve.”
“Je suis un humaniste”
Une société pour laquelle l’écrivain se fait du souci. “Je suis un humaniste, je suis très affecté par les guerres, les conflits, le racisme, l’antisémitisme”, indique-t-il. Et, bien que vivant sur le Nouveau continent, son inquiétude se porte davantage sur l’état des sociétés européennes. “Je suis particulièrement inquiet de la montée de la xénophobie et de la haine dans toute l’Europe. Aux Etats-Unis, pas vraiment”, dit-il.
Celui qui affirme ressentir “une grande liberté à New York” porte un regard critique sur son pays natal, qui, affirme-t-il au demeurant, lui manque. “En France, il y a davantage de discriminations, veut-il croire. Par ailleurs, je pense que la laïcité ne fonctionne pas. Cela a conduit à l’éclatement de la famille, cela a amené de gros changements dans la société.”
“Michel Houellebecq m’inspire”
Cela n’est pas sans rappeler les prises de position de l’écrivain Michel Houellebecq qui estimait en 2015 que ce principe était mort. Un parallèle facile à faire, étant donné que l’écrivain français est présent dans les deux livres de Jean-Michel Cohen Solal, qui a en outre consacré une étude littéraire au roman Soumission.
“Michel Houellebecq m’inspire, commente-t-il. C’est un phénomène de société, il fait bouger les choses. Je ne saurais dire pourquoi il est dans mes romans. Certainement car son travail renvoie à des thèmes qui me préoccupent, dont l’absurdité d’un monde désenchanté qui rejette les valeurs d’humanisme et de tolérance. Mais je ne partage pas du tout ses idées.”
Dans la dernière partie de La Passion du Nègre, le héros est invité chez Michel Houellebecq, qui lui demande de l’aide par rapport à des difficultés auxquelles il fait face dans l’écriture, évoquant ainsi à nouveau l’idée d’une création littéraire dans la douleur.
“La difficulté d’écrire, c’est comme la difficulté de communiquer”, indique Jean-Michel Cohen Solal. Une difficulté exacerbée dans un pays étranger. La notion de l’exil est d’ailleurs l’un des thèmes de prédilection de l’auteur. “Toute ma vie, je serai un solitaire, loin de ma terre natale, dans les enchevêtrements des portes du monde”, écrit-il.