Son ouverture était très attendue, annoncée depuis plus d’un an mais cette fois c’est fait : le Printemps vient d’ouvrir ses portes à New York, quelques jours avant son inauguration officielle. La date du couper de ruban n’a pas été choisie au hasard, elle aura lieu le premier jour du printemps, vendredi 21 mars. Le grand magasin du quartier de l’Opéra a choisi le Financial District pour venir conquérir Manhattan. Un quartier en pleine revitalisation, explique à French Morning le CEO du printemps, Jean-Marc Bellaïche, juste avant de s’envoler pour New York.
Lorsque le Printemps Haussmann a ouvert à Paris, en 1865, le quartier n’était en effet pas du tout ce qu’il est aujourd’hui. « Comme le quartier Saint Lazare de l’époque, le Financial District est un quartier en très forte transformation, avec de plus en plus de résidents (presque le double d’avant le Covid), des banquiers certes mais aussi des employés de la mode, des médias, de la tech. » Il rappelle que plusieurs restaurants de qualité se sont installés récemment à « Fi-Di » : le Tin Building, Cipriani, mais aussi le Performing Arts Center : « Notre magasin est un argument de plus pour venir visiter ce quartier, et pas seulement pour les touristes ! »
La première expansion géographique du Printemps date de 1912 : le grand magasin du boulevard Haussmann ouvre boutique à Deauville. « Il s’agit à l’époque d’une innovation majeure, rappelle Jean-Marc Bellaïche. Nous avons été le premier grand magasin en Europe, et peut-être même au monde, à ouvrir une nouvelle adresse ». Depuis, le grand magasin a multiplié les emplacements, en France d’abord, puis à l’international à partir de 1984 : Tokyo, Singapour, et même une petite incursion de courte durée à Denver, dans le Colorado. Il y a deux ans, le groupe publie un manifeste sur le « Renouveau du Printemps » et lance une immense succursale à Doha, au Qatar.
Next stop : Manhattan. Le pari n’est pas mince – d’autres, comme les Galeries Lafayette en 1994, s’y sont cassé les dents. C’est que la concurrence est rude, même si les fermetures de Barneys et Jeffrey ont laissé un vide. « Le marché américain a beaucoup de potentiel. C’est le premier marché en termes de nombre de millionnaires, et pour autant les dépenses de luxe restent faibles par rapport à certains pays d’Asie », explique le dirigeant. Et si la situation économique à court terme paraît incertaine, l’entreprise veut s’inscrire dans la durée : « Nous visons les 20, 50 prochaines années. Et s’il y a des droits de douane de 25% sur le luxe, alors ils toucheront Saks autant que nous…». C’est d’ailleurs parce qu’elle veut s’inscrire dans la durée que l’entreprise a choisi d’ouvrir le Financial District, dans « un quartier de demain, pas d’hier ». Jean-Marc Bellaïche.
New York oblige, le Printemps de Manhattan, situé au One Wall Street, est dix fois plus petit que son homologue qatari – mais le bâtiment, du plus pur style art déco cher au Printemps, a été rénové avec goût par l’architecte de renom Laura Gonzalez. À son actif, l’hôtel St James à Paris, la boutique Pierre Hermé sur les Champs Élysées ou le Manoir Cartier sur la 5e avenue de New York. « Nous avons recréé un magasin très parisien, explique Jean-Marc Bellaïche. La beauté de l’architecture Art Nouveau fait partie de notre ADN. Les Parisiens reconnaîtront d’ailleurs quelques clins d’œil au Printemps Haussmann : ici, la fresque d’un de nos restaurants de Paris réalisée en 1924, et répliquée dans l’une des salles du Printemps New York ; là, une magnifique sculpture de Charles Kaisin, auteur du dôme aux 12000 origami au 7e Ciel du Printemps Haussmann ».
Autre point commun entre les boutiques de New York et Paris, la place de choix laissée à la gastronomie : à Paris, l’offre culinaire est un avantage certain pour le Printemps par rapport à ses concurrents. 15 restaurants, 10 000 places assises, 1 million de couverts par an… La boutique de New York compte 5 restaurants répartis sur les deux étages du magasin, sous la houlette de Gregory Gourdet, finaliste Top Chef et du James Beard award trois années de suite, et propriétaire d’un restaurant à succès à Portland dans l’Oregon. L’un d’eux, Maison Passerelle, crée une passerelle entre la cuisine française et la cuisine coloniale, et vise pas moins qu’une étoile Michelin. Mais l’offre gastronomique est à l’image du magasin, qui va du grand luxe à des produits plus accessibles, et propose aussi des options à prix plus raisonnables.
Enfin, le nouveau Printemps fait la part belle à des marques Made in France, sans être exclusivement français pour autant. « Nous allons promouvoir notre marque maison, Saison 1865, qui est à la fois très qualitative et très bien positionnée en prix. Nous permettons également à de belles marques françaises, comme Nuxe ou Mimétique, de distribuer leurs produits en boutique aux États-Unis. » Objectif affiché : allier la curation à la française avec le savoir faire américain en termes d’accueil et de chaleur.
« Nous voulons mettre des étincelles dans les yeux de nos clients, comme savent si bien le faire Disney ou les palaces américains ! » Au Printemps de Wall Street, pas de boutiques de marque, les clients sont incités a déambuler d’une pièce à l’autre sans parcours précis. Fier de son bon rating sur Google (« avec 4.6, le Printemps Haussmann a la meilleure note des grands magasins au monde ! »), l’entreprise a recruté une armée de personal shoppers, un mélange d’Américains, souvent francophones, et d’employés venus de Paris apporter le savoir-faire de la maison-mère (au nombre de cinq).
Le Printemps saura-t-il convertir les consommateurs américains au shopping à la française ? Jean-Marc Bellaïche, qui a vécu 9 ans à New York, compare la cliente française à sa comparse américaine : « Le client français a un côté assez individualiste, il est sûr de ses goûts et capable de s’affirmer – le client américain est plus influencé par les tendances, les effets de mode – la conséquence, c’est que quand ça marche aux États-Unis, ça peut prendre très vite et très fort ! »
Comme à Haussmann, le Printemps de New York prévoit une série d’évènements – à commencer par une pop-up Jacquemus, une collaboration Disney/ Coperni, une collection de souliers exclusifs en hommage à la « Red room » d’Haussmann, un cycle de conférences… Et pour lancer tout cela, une belle soirée d’inauguration le jeudi 20 mars et un coupé de ruban le lendemain. Reste à enseigner aux Américains comment prononcer « Printemps » – à Singapour, l’enseigne avait opté pour une prononciation phonétique, « Pram Tom ». L’histoire dira comment les Yankees prononcent -et adoptent- le Printemps !
Le Printemps New York, 1 Wall St, New York, NY 10005. Ouvert de 10am à 7pm