Par une belle soirée de fin septembre, le gratin new-yorkais s’est retrouvé à South Street Seaport, juste en face du majestueux trois mâts à quai, pour inaugurer le dernier né de la famille Jean-Georges, et non des moindres : le Tin Building. Un immeuble de 5000 mètres carrés, conçu par le chef français et composé de six restaurants, quatre bars et une épicerie. À l’entrée, un tapis rouge et des flashs crépitent, c’est la célébrité américaine Martha Stewart qui fait son entrée sous les feux des projecteurs.
Une fois à l’intérieur, nous avons l’impression d’être transportés dans une soirée du Great Gatsby : des comédiens déguisés en « paper boys » distribuent le journal de la soirée, une nuée de serveurs tendent des coupes de champagne et des cocktails aux nombreux invités, et face à nous, le comptoir de fruits de mer avec ses huîtres, gambas et un immense thon réveille instantanément les papilles.
Pour cette soirée d’ouverture, Jean-Georges Vongerichten avait vu les choses en grand. Dans le restaurant japonais Shikku, une jeune femme perchée en hauteur joue du shamisen, la guitare japonaise, pendant que les invités savourent les plateaux de sushis et makis réalisés sous leurs yeux par les chefs. Des personnages en échasses déambulent dans l’assistance, un duo revêtu d’un costume rose bonbon parade devant le comptoir des douceurs, Spoiled Parrot.
Le rez-de-chaussée compte aussi la T Brasserie, qui sert des plats typiques des adresses parisiennes, comme le pâté en croûte, le steak tartare et la soupe à l’oignon délivrés par des serveurs en tablier. Mais aussi Double Yolk, une adresse plus casual disponible pour le petit-déjeuner et déjeuner.
Passé à l’étage, le Tin Building offre des possibilités à tous les goûts. D’un côté, The Frenchman’s Dough a pour vocation de servir des plats italiens avec un « twist ». Le soir de l’inauguration, la part de pizza citron, ricotta et parmesan fait l’unanimité dans l’assistance. « Je suis italienne et je la trouve vraiment délicieuse », s’exclame Livia. Pour son partenaire John, l’ouverture du Tin Building est une aubaine dans le quartier : « Nous ne vivons pas loin d’ici et il manquait une adresse de qualité comme celle-ci. Nous allons venir à tous moments de la journée ».
De l’autre côté, le mexicain Taquito sert une variété de tacos à prix doux, et Seed and Weeds se spécialise dans la nourriture végétarienne et vegan. Enfin, House of the Red Pearl, à l’inspiration chinoise, est une sorte de speakeasy installé derrière un coin épicerie, avec ses fauteuils en velours et ses murs aux motifs asiatiques. « Nous connaissons Jean-George depuis ses débuts et sommes ses plus grands fans. Il a les mêmes employés depuis 30 ans, ça veut dire quelque chose de sa personnalité », s’enthousiasme Nancy, qui avoue avoir un penchant pour ce restaurant au sein du complexe, « fabuleux » selon elle.
Le Tin Building propose aussi une gamme très large de fromages du monde, un rayon de fruits et légumes frais, une boucherie, un coin traiteur de plats préparés, un supermarché de produits asiatiques et une grande épicerie avec une multitude de produits de la marque Tin Building. Une gamme de produits dérivés qui vont contribuer eux aussi à faire rayonner ce nouveau nom new-yorkais de la gastronomie française.
On s’en doute, ce mastodonte de la restauration – une sorte de Time Out Market haut de gamme, ont mentionné certains invités – est le fruit d’un travail de longue haleine de la part de Jean-Georges, en partenariat avec le groupe immobilier Howard Hughes Corporation, puisque le projet a démarré en 2016.
Le chantier était titanesque : avant de commencer les travaux à l’endroit de l’ancien marché aux poissons (le Fulton Fish Market, déplacé dans le Bronx en 2005), Howard Hughes Corporation a dû reconstruire le quai sur lequel il était installé, ce qui a impliqué de détruire et reconstruire les structures de béton et acier qui étaient situées sous le niveau de l’eau. Il a fallu ensuite élever la structure de deux mètres pour qu’elle soit au-dessus du niveau recommandé par la FEMA (Federal Emergency Management Agency), dans son plan centenaire de prévention des risques d’inondations.
Ce lieu est enfin aussi un symbole fort pour le restaurateur français, qui est arrivé à New York en 1985 et y a construit une success story française sans précédent de ce côté de l’Atlantique. « Le marché de Seaport est un des premiers endroits que j’ai visité quand je suis arrivé et il a toujours été une part importante de mon inspiration culinaire depuis, raconte le chef. Cela a été un grand privilège d’avoir cette opportunité de ramener le Tin Building et de réinventer un endroit iconique d’une façon nouvelle et authentique. »
Pour Saul Scherl, président de la New York Tri-State Region, le Tin Building est aussi un joyau pour un quartier en pleine renaissance. « Seaport a émergé ces dernières années comme la destination culinaire la plus dynamique de New York. Depuis 2019, nous avons presque triplé le nombre de restaurants, soit quinze ouverts aujourd’hui ».
Reste une difficulté récurrente dans la restauration à New York ces temps-ci : trouver la main d’œuvre pour ouvrir sur des plages horaires étendues. Le Tin Building a ouvert à des horaires restreints pendant l’été, en raison de la difficulté de trouver du personnel. Depuis l’ouverture officielle, il a étendu ses heures d’ouverture et, aujourd’hui, le bâtiment est ouvert du jeudi au samedi de 12pm à 9pm et le dimanche de 12pm à 5pm.