Le jour où Sandrine Perrin a vu son fils monter dans le bus jaune pour se rendre à Tomkins High School, un lycée situé dans la banlieue de Houston au Texas, c’était peu après avoir déménagé du New Jersey. Pendant plusieurs années, Baptiste était scolarisé au sein de l’école franco-américaine de Princeton. Comme de nombreuses familles françaises, Sandrine Perrin et son mari ont décidé de tenter l’école américaine et le système public.
Dès les premiers jours de “High school”, le lycéen et ses parents ont adopté le système américain. Intégré, le jeune adolescent s’est même découvert une passion pour le baseball et a rejoint l’équipe de l’école. “Il part à 6h45 le matin et fini les cours à 15h, mais il a 2h30 d’entraînement par jour”, se réjouit Sandrine Perrin.
Les écoles publiques américaines possèdent leurs propres codes
Équipes de sport, bal de fin d’année, bus jaune… Les clichés sur l’école publique américaine ne se comptent plus. Pourtant, le système éducatif américain possède ses propres codes, parfois difficiles à déchiffrer pour les parents. “On pense à tort que l’on connait les Etats-Unis, mais en réalité c’est très différent et on est perdu quand on arrive. Découvrir un autre système n’est pas une mince affaire”, affirme Yasmine Garreau, qui a inscrit ses enfants dans une école américaine publique en Caroline du Nord pendant plusieurs années. “Un jour, ma fille s’est inscrit pour faire le PSAT (Preparatory Scholastic Assessment Test). Je ne savais pas du tout ce que c’était”, raconte Yasmine Garreau, expatriée en Caroline du Nord avant de déménager à Washington DC.
La maman de quatre enfants a récemment mis en ligne “My bus jaune”. Fruit de longues recherches, ce site internet veut déchiffrer les différences scolaires entre la France et les Etats-Unis. “Je veux faire profiter aux autres familles de l’expérience que j’ai acquise en regroupant toutes les informations sur un seul site”, explique la juriste désormais basée dans la capitale américaine.
“Les enfants sont toujours tirés par le haut et ont toujours un deuxième test pour remonter leur moyenne”, souligne Sandrine Perrin, qui affirme avoir été “épatée” par le niveau de certaines classes. “Ils ont des quiz très régulièrement”, affirme la mère de Baptiste, qui se réjouit de savoir que son fils est préparé aux examens qu’il devra passer dans le futur. Elle apprécie également les relations entre les parents et les professeurs. “Ils sont très abordables et répondent très vite. Je reçois des e-mails de la professeure de mathématiques toutes les semaines. Les parents sont très intégrés au cursus”.
“Les écoles américaines ont complètement intégré la technologie, ajoute Yasmine Garreau. Les lycées américains possèdent tous des écrans de télévision et ils regardent les informations. Il y a même des élèves journalistes qui racontent les informations de la semaine”. Selon elle, les écoles publiques américaines développent un fort sentiment d’appartenance. “Il y a un sentiment de fierté d’appartenir à une école, avec les mascottes, etc… Alors qu’en France, on s’en fiche. Il y a un fort sentiment d’appartenance et de loyauté”, ajoute-t-elle.
Dans son nouveau livre, Super Kids ! (Ed. Les Arènes), la journaliste Véronique Dupont, qui a scolarisé ses deux filles dans une maternelle américaine à New York puis au Lycée international de Los Angeles (LILA), met en avant les bienfaits de l’éducation à l’américaine, souvent caricaturée selon elle. Son espoir: que la France dernière s’inspire des nombreuses bonnes pratiques développées au pays de l’Oncle Sam en la matière. “Aux Etats-Unis, on célèbre l’enfant. L’accueil est plus bienveillant. Le rapport avec les enseignants est beaucoup plus égalitaire et la discipline, douce”, glisse-t-elle. Le livre est parsemé de recommandations à destination des parents et enseignants français, de “les faire rire aussi souvent que possible, pour qu’ils soient concentrés” à l’adoption d’un ton plus positif au sein de la salle de classe – “tutoiement”, “utiliser l’erreur comme un outil d’apprentissage”…
“J’ai découvert un bon niveau scolaire et une mentalité complètement différente de celle de la France. Ma seconde fille a commencé la musique et j’ai été étonnée du niveau qu’elle a obtenu en très peu de temps”, ajoute Isabelle Guglielmi, expatriée plusieurs années à San Francisco avant de déménager dans le Kansas avec ses enfants. Classes de musique, clubs politiques, actions humanitaires, groupes de langues… L’école publique au sein de laquelle ses enfants sont scolarisés propose des activités chaque semaine. “Je pense que l’éducation est plus rigoureuse en France, mais l’école américaine est bien meilleure au niveau du développement personnel. Les élèves peuvent s’épanouir en fonction de leurs aspirations”, poursuit-elle. Au sein des high school américaines, les journées de cours sont plus courtes et certains après-midi sont entièrement consacrés à des activités extra-scolaires.
Des différences importantes avec le système français
Il n’y a pas que pour les enfants que l’expérience scolaire est différente. Les parents aussi ont un choc culturel. “La différence entre les deux systèmes en terme d’implication des parents est énorme. En France, les parents sont absents de l’école. Ils sont les bienvenus quand on leur demande. Aux Etats-Unis, ils sont impliqués dans les levées de fonds pour l’école, participent aux événements de l’école et à toutes sortes d’activités. Ils mettent beaucoup d’énergie et de cœur. Ils se plient en quatre pour l’école alors qu’on a l’impression que les parents commettent une intrusion quand ils y entrent en France”, souligne Véronique Dupont.
Aux Etats-Unis, elle rappelle que les parents sont sollicités pour donner de leur temps à des projets scolaires, même dans le système public. “J’ai mis du temps à m’y mettre, surtout qu’on payait déjà des frais de scolarité. On se demandait pourquoi on devait donner de notre temps en plus de ça. Mais même les parents avec trois enfants et des emplois à plein temps le faisaient. Au final, cela resserre les liens”.
Parfois, les différences de culture entre la France et les Etats-Unis font sourire les parents français. Basé près de Seattle, Laurent Bourscheidt se souvient d’avoir visité une école américaine publique pour y scolariser sa fille. “Sa professeure principale soutenait l’équipe de football des Sounders. Tout son bureau était décoré de maillots de l’équipe”, s’amuse l’architecte. Au Texas, Sandrine Perrin a vu son fils rentrer de l’école avec des sacs de bonbons dans ses poches. “Sa professeure lui donnait des friandises quand il travaillait bien”, s’effare-t-elle.
Expatriée à San Francisco, Aude Phay-Van regrette que l’école publique de ses filles n’organise pas de sorties scolaires. “Je trouve également que les Américains n’étudient pas suffisamment certains programmes, comme l’Histoire. Il y a clairement un manque de culture générale en dehors des Etats-Unis”, affirme la maman qui scolarise ses deux filles dans une école publique.
Malgré les différences, les familles françaises ne regrettent pas leur choix. “Si c’était à refaire, je referais pareil”, conclut Sandrine Perrin qui prépare désormais l’inscription de son fils au sein d’une université américaine.