La vie de Valérie à New York se lit comme un roman d’aventures. Du suspense, des drames, de l’espoir, des désillusions, des rebondissements de toutes sortes et une bonne fin. Je n’ai presque pas dit un mot lors de cette première séance. J’ai eu envie de la recadrer plus d’une fois, mon job est de l’aider à aller vers l’essentiel, mais son envie de tout déballer était trop importante pour qu’il n’y ait pas là une source d’information dont je pourrais me servir plus tard. Elle a débarqué dans le West Village, il y a vingt-cinq ans, « sans papiers, mais avec la foi ». De petits boulots en petits boulots, celle qui se considère comme « une immigrée française de première génération » a gravi tous les échelons pour se retrouver à un niveau social qu’elle n’aurait pas imaginé avant son départ pour les Etats-Unis. Directrice de casting dans la pub et le cinéma, la cinquantaine en fleurs, mariée à un Américain qu’elle adore et mère de trois enfants « plutôt sympas », elle vient me voir alors que sa petite dernière vient de s’envoler du cocon familial. Un choc émotionnel qui l’a fait réfléchir. Elle ne veut pas se plaindre, « ma vie est top », pourtant je la sens anxieuse, presque tourmentée. « Á 52 ans, je suis encore jeune et j’ai envie d’autre chose que New York. Hélas, je ne sais pas quoi et où. Qu’en pensez-vous ? ».
Avant de clôturer notre séance monologue, je lui précise qu’un coach est tout sauf un conseiller. J’écoute ce que l’on me dit, et surtout ce que l’on ne me dit pas, je questionne, je fouille, avec un but unique dans l’esprit : vous aider à trouver la solution qui est en vous. Je ne dis surtout pas ce que je pense. « Oui, je m’en doutais un peu. En tout cas, cela m’a fait du bien d’être entendu ». Á la semaine prochaine, Valérie.
Le soleil s’engouffre dans son salon à travers une large baie vitrée. Elle attend que je lui pose ma première question. Je ne me fais pas prier et lui demande quelles sont ses priorités dans la vie. Sa réponse ne me surprend pas : « mes enfants et mon mari ». Et vous là-dedans ? Elle me regarde, étonnée. Comment peut-elle résoudre un dilemme aussi intime si elle ne se met pas en avant ? Répondez en ne pensant qu’à vous. « Si je m’autorise à visualiser la prochaine étape de ma vie, c’est dans une maison au calme, près de la mer, un peu de travail et beaucoup de pêche la journée, barbecue le soir, bons vins, parties de cartes et discussions à refaire le monde avec les amis ». Sa confession lui fait un peu honte, « une vraie vie de beauf ! ». Je la pousse à vider son sac, elle doit apprendre à s’accepter. Quoi d’autre ? « Mon histoire d’amour avec New York est finie. Vivre à cent à l’heure, c’était génial, j’ai adoré mais j’ai changé. Je ne veux plus jamais entendre, venant de ma bouche ou de celles des autres, ces trois mots infernaux, « I am busy ». Je veux vivre libre et avec du temps devant moi ». Elle sourit, elle rit même, ça lui fait un bien fou de dire tout haut ce dont elle rêve tout bas depuis trop longtemps. Dans une relation de coaching, penser égoïste est primordial. Moi, moi, moi et encore moi. Valérie a compris cela, je suis ravi, nous pouvons passer à la prochaine étape.
Partir de New York, est-ce un souhait réaliste ? « Oui, mais cela me fait peur ». Déjà un mois que l’on travaille ensemble et j’ai l’impression de retrouver la Valérie du début, en plein monologue, où chaque question reste non seulement sans réponse, mais en provoque une nouvelle encore plus évasive que la précédente. « Tout quitter avec mon mari, loin des enfants qui sont devenus des New-Yorkais à part entière ? Se re-inventer au risque de tout perdre ? La Nouvelle-Zélande, l’Australie, ça serait chouette, mais est-ce que nous n’allons pas nous sentir isolés ? Ou alors partir à Vancouver ? Sauf que le temps n’est pas terrible ». Stop ! Y a-t-il vraiment quelque chose qui vous empêche de changer votre vie ? « Non », alors arrêtez de vous inventer de fausses excuses pour ne pas avancer, la peur dont vous parlez n’est pas celle qui vous bloque. “Ah bon, c’est laquelle alors ? ». Valérie compte sur moi pour lui montrer le chemin à prendre. Elle peut toujours attendre. C’est à elle d’oser et de pousser les portes. Mon rôle est celui d’une canne d’aveugle. Avec son coach à ses cotés, elle peut tâtonner sans risque de tomber.
« Revenir en France serait le plus logique. C’est aussi le choix du coeur. Mes deux meilleures amies vivent à Biarritz où mes parents sont nés, mon mari adore cette région et je n’aurai aucun souci pour travailler en free-lance, et à mon rythme, de là-bas. Une grande partie de mon métier se fait via internet maintenant ». Elle est courageuse et elle me fait confiance. Elle ose, je la remercie et l’encourage. Mon intuition me dit que c’est cette direction qu’il faut suivre. Elle ne se ment plus, je lui renvoie son image, elle voit une femme qui ne sait pas, craintive de rentrer d’où elle vient. « J’ai grandi à New York, suis-je devenue trop Américaine pour un pays que j’ai oublié malgré moi ? ». Encore des questions qui ne servent à rien. Pour qu’elle se pose enfin la bonne, je dois la mettre nez à nez avec sa vérité. La force du silence fait souvent des miracles. J’attends, bienveillant. « Je crains d’être une Française en France. Mon statut d’étrangère m’a donné tant de passe-droits dont j’ai pleinement profité ». Mais de quoi avez-vous réellement peur ? « Je sais bien que c’est la peur de moi, de découvrir qui je suis vraiment lorsque je ne serai plus cette Parisienne glamour, cultivée, avec un goût exquis paradant au milieu de New Yorkais qui n’en croient pas leurs yeux ».
Sans être honnête avec soi-même, difficile de résoudre son problème. Maintenant qu’elle s’est mise complètement à nu, le reste de mon travail est de la recentrer sur son but initial, oublier le pourquoi, fatigant et crispant, et s’engager sans limites dans le comment, exaltant et positif. Ou aller ? « Sur la côte basque, nous deux, heureux ». Quand ? « C’est amusant car si je n’ai pas changé d’avis, je suis moins pressée qu’auparavant ». Elle recherche une séparation à l’amiable avec New York « que j’aimerais jusqu’à mon dernier jour ». Son horizon si brumeux il y a quelques mois s’est éclairci. Elle prend de nouveau des décisions qui lui vont sans trembler, avec le soutien de son mari. « Pourquoi me mettre la pression de choisir un endroit coûte que coûte et foncer ? Nous allons passer trois mois là-bas et voir comment ça se passe. Je vais prendre le temps de dire au revoir à Manhattan et bonjour à la France. Avant de commencer un nouveau roman d’aventures, il faut avoir refermé le premier ». C’est notre dernière séance, elle n’a plus besoin de moi. Elle a appris à s’auto-coacher.
Pour en savoir plus sur ce qu’est le coaching avec Nicolas Serres-Cousiné, visitez www.monlifecoach.com