Il n’est pas uniquement question d’administratif dans une demande de visa, mais aussi d’amour. C’est le cas pour Lucie Judkins et de nombreux autres titulaires du J-2.
“Nous étions installés à Wellington (Nouvelle-Zélande) avec mon petit-ami Simon, quand il a su qu’il était pris à l’University of Southern California pour faire son doctorat (PhD) en histoire américaine.” La nouvelle tombe un an après le début de leur relation, en mars 2014. Lucie Judkins ne tergiverse pas et se met en quête d’informations. Outre le visa tourisme (limité à trois mois), elle trouve une solution rapide et efficace : le J-2.
Ce visa “d’accompagnement” est réservé à l’épouse ou aux enfants de moins de 21 ans d’un titulaire de J-1 (comme Simon). Sa durée est liée à celle du J-1. Alors que les J-2 ne sont pas comptabilisés, le service d’immigration américain relevait 34.487 personnes en J-1 (programme d’échange, au pair, stagiaire…) en Californie en 2014.
Pour l’obtenir, la Française pense alors directement au PACS. Mais, alors qu’elle se trouve en Australie à ramasser des patates avec son bien-aimé, ses parents lui apprennent que seul le mariage est reconnu aux Etats-Unis. Ils prévoient donc leur noce pour le 1er août 2014 à Toulouse, d’où la jeune femme est originaire.
Le rendez-vous à l’ambassade, leur lune de miel
Mais un premier obstacle se dresse sur leur chemin. “L’université est censée nous sponsoriser tous les deux, et nous envoyer notre DS-2019 afin de lancer la procédure. Or, ils ne voulaient pas me le transmettre tant que nous n’étions pas mariés” , se remémore-t-elle. Le problème est que le timing ne colle pas : le mariage est début août, et la rentrée de Simon le 25 du même mois. Or, pour obtenir le rendez-vous à l’ambassade, il y a des délais. “On a fait des pieds et des mains, et ils nous l’ont finalement envoyé en urgence” .
Ce sésame en poche, ils filent à l’ambassade. “C’était notre lune de miel” , ironise Lucie Judkins. A l’Ambassade, le couple vient armé de justificatifs, et notamment la preuve qu’ils disposent de 15.000 dollars sur leur compte et un acte de propriété en France (celui des parents de Lucie Judkins, en l’occurrence). Mais contrairement à d’autres demandeurs, ils n’ont pas eu besoin des services d’un avocat spécialisé. “Par contre, nous avions peur qu’ils nous soupçonnent de mariage blanc.” Il n’en est rien, l’entretien dure deux minutes. Seul Simon doit alors s’acquitter des droits de SEVIS, le J-2 n’ayant rien à débourser pour obtenir le Graal.
Mais l’aventure de la Française ne s’arrête pas là. “En tant que J-2, je n’ai pas de visa de travail. Il faut toujours dire que notre mari va subvenir à nos besoins” , conseille-t-elle, aguerrie. Mais une fois sur place, la réalité économique les rattrape, et elle décide de faire une demande d’autorisation de travail (EDA). Pour l’obtenir, les demandeurs doivent certifier que les revenus ne seront pas utilisés pour soutenir le titulaire du J-1 et verser 380 dollars. Puis, la Toulousaine s’est procurée un Social Security Number et le permis de conduire. “Une fois que c’est fait, tu es libre.”
Une immigration limitée dans le temps
Depuis décembre 2014, Lucie Judkins peut donc travailler aux Etats-Unis. Après avoir été coordinatrice administrative à l’Alliance française de Los Angeles durant un an et demi, elle vient de trouver un nouveau travail dans une école internationale, où son bilinguisme est un atout. “Cela me permet d’envisager le futur sereinement.” Enfin, pour le moment. Leurs visas jumelés courent jusqu’en mai 2019, et ne peuvent être renouvelés. “Après, nous devrons rentrer, même si nous trouvons un nouveau “sponsor”. C’est une obligation.”
Elle découvre la part d’ombre de ce visa. “Il est moins gratifiant qu’un visa traditionnel. Dans les situations sociales, on explique toujours qu’on est là car notre mari a eu un contrat” , explique-t-elle. Autre élément à prendre en compte : en tant que J-2, elle ne bénéficie pas de la couverture maladie de son époux, même si l’université du conjoint peut décider de la couvrir. Heureusement, l’amour n’a pas de prix.