Que l’on se soit rendu à New York ou pas, elles font parties de l’inconscient collectif. Les fameuses issues de secours des bâtiments de la Grosse Pomme ont été empruntés par bien des héros, des amants ou des “bad boys”. Mais d’où viennent-elles?
Des issues de secours “mobiles” aux escaliers permanents
Au XVIIIe siècle, des incendies ravageurs se déclarent régulièrement à New York. Et les victimes nombreuses… Les pompiers doivent faire face avec des moyens qui paraissent bien dérisoires aujourd’hui. Ils apportaient eux-mêmes leurs issues de secours, autrement dit de simples échelles su un chariot, explique Roman Mars, auteur du podcast spécialisé dans le design et l’architecture 99% Invisible.
Le 2 février 1860, au 142 Elm Street, un grave incendie fait une dizaine de morts, la plupart des femmes et des enfants. “Les flammes partirent de la boulangerie, atteignant rapidement les étages où vingt-quatre familles habitaient. (…) Les escaliers étaient en flamme, impossible de s’échapper par-là. Les passants pouvaient voir hommes, femmes et enfants s’agglutiner aux fenêtres, criant pour demander de l’aide, agitant désespérément leurs mains”, écrit alors un journaliste du New York Times dans un article intitulé “Calamitous Fire”, le lendemain du drame.
Ces scènes dramatiques ont largement participé au passage de lois sur les issues de secours. D’abord ce furent de simples cordes et échelles obligatoires dans les bâtiments. Et ce n’est qu’en 1867 que les “fire escapes” sont devenues obligatoires. Le “Tenement House Act” du 14 mai 1867 spécifie ainsi que tous les immeubles, anciens et nouveaux, doivent être équipés de ces issues.
Un symbole du paysage urbain
Les issues de secours sont ainsi implantées durablement dans le paysage urbain new-yorkais. En 2009, le Times les décrit même ainsi : “Officiellement, bien entendu, les issues de secours sont utilisées pour les urgences. Mais à New York, ces vieux ornements sur les nombreux immeubles à cinq ou six étages ont une multitude d’autres fonctions : des sortes de jardins, des échappatoires pour les criminels, des oasis pour les fumeurs marginaux, des chambres de fortune du temps où la climatisation n’existait pas…”
Mais ces issues de secours ne sont pas sans danger. En 1975, le photographe Stanley Forman a reçu un prix Pulitzer pour sa photographie d’une mère et son fils tombant d’une issue de secours. Alors qu’ils étaient pris au piège d’un incendie dans leur immeuble, ils empruntèrent les escaliers de secours… Mais ceux-ci se sont effondrés. L’enfant a survécu, mais la mère est morte quelques jours plus tard à l’hôpital.
Plus esthétique que pratique
Ces escaliers de secours posent plusieurs problème. Depuis 1930, ils ne sont en effet plus reconnus comme une issue de secours “sûres”. Leurs désavantages sont nombreux : trop grandes pour les enfants, trop escarpées pour les personnes âgées, impraticables pour les personnes en fauteuils roulants…
Et comme le rappelle Roman Mars dans son podcast, on les utilise peu en cas d’urgence : “Les gens ne savaient souvent pas où les escaliers de secours étaient situés. Et de manière générale, ils essayent souvent de s’échapper d’un bâtiment par où ils sont entrés. Et les issues de secours modernes (escaliers à l’intérieur des bâtiments – ndlr) suivent justement cette logique. Mêmes s’ils ont l’air de simples escaliers, ils sont équipés pour éviter la propagation du feu : des portes coupe-feu, alarmes, arroseurs…”