“Nous avons eu énormément de chance, énormément”, concède Jean-Luc Nouzille. Le Français, installé dans le quartier d’Old Agoura (au nord-ouest de Los Angeles) depuis 1998, a retrouvé sa maison indemne, samedi 10 novembre au soir. Et pourtant, l’incendie “Woolsey Fire”, qui a déjà ravagé plus de 40.000 hectares et détruit plus de 480 maisons depuis jeudi, a frôlé son voisinage. “Le feu a traversé l’autoroute voisine, la 101, mais a seulement détruit le Poney-club et quelques guest-houses”, soupire ce gestionnaire de portefeuilles qui est “chef d’îlot” (soit point de contact pour la communauté française de sa zone) auprès du Consulat de France à Los Angeles. “Ils m’ont appelé deux fois pour savoir comment ça se passait, mais je n’ai pas eu d’appels de Français impactés.”
Plus que la chance, Jean-Luc Nouzille, sa femme et ses deux enfants ont surtout eu de bons réflexes dans cette situation extrême. Suivant la propagation des flammes sur Twitter et à la télévision, ils avaient préparé leurs sacs “avec les papiers administratifs et la boîte pour le chat” dès le jeudi après-midi. “Les gens dans le coin ont l’habitude, ce n’est pas la première fois que les feux partent vers le parc Cheeseboro”, argue-t-il, citant les incendies de 2002 et celui des années 80 qui avait également touché Malibu. Refusant de céder à la panique, il estime que le plus difficile est de “juger la rapidité du feu.”
Sur le qui-vive, il décide de passer à l’étape supérieure quand il aperçoit “le glow” (aura lumineuse) avancer vers son quartier. “Il fallait évacuer notre cheval. Comme nous avons une remorque, nous avons également pris celui du voisin”, détaille le Français de 56 ans, qui a passé la nuit à prêter main forte aux riverains avec leurs propres chevaux. Certains, d’ailleurs, ont fait le choix de rester pour tenter de protéger leur maison. Vers 3 heures du matin, la famille française décide de prendre l’autoroute 101 (Ventura Freeway) vers le Sud pour déposer les chevaux dans un refuge de Woodland Hills. Mais leur plan est compromis: “le feu a traversé l’autoroute devant nous”. Ils partent alors vers Malibu, pour une brève durée. “On a vu les lumières rouges au nord des montagnes. La dernière fois, l’incendie avait mis quatre heures à descendre jusqu’à la plage”, rationalise alors Jean-Luc Nouzille. “On a fait un pari : celui que la PCH (qui longe la côte pacifique) allait être embouteillée vers Santa Monica. On a donc pris la direction du Nord, vers Ventura.” Après avoir déposé les chevaux, la famille peut finalement se reposer dans une chambre d’hôtel vendredi après-midi.
Entre la nuit mouvementée de jeudi et leur retour définitif chez eux, samedi soir, la famille Nouzille a multiplié les aller-retours à leur domicile. “Depuis, on est prêt à évacuer, on a les sacs préparés”, souligne celui qui dirige avec sa femme la brasserie Lady Face à Agoura Hills.
Revenant sur cette tragédie qui l’a épargné, Jean-Luc Nouzille s’amuse à contredire le tweet de Donald Trump qui décriait la mauvaise gestion des forêts en Californie. Pour son voisinage, c’est justement cette gestion qui a été salvatrice : “le National Park Service débroussaille notre quartier chaque printemps. Du coup le feu l’a encerclé, détruisant moins d’une douzaine de petites structures.”
Pourtant, il reconnaît que la propagation du Woolsey Fire est inquiétante : “lors du précédent feu, ce n’était pas la même chose, il n’y avait pas de vent.” Mais pour lui, être Californien, c’est être préparé aux catastrophes naturelles, qu’il s’agisse d’incendie ou de tremblement de terre. “Tout le monde a un kit de survie, quand on a des chevaux on prend aussi les devants“, souligne le quinquagénaire originaire d’Aix-en-Provence, qui a choisi ce quartier pour ses airs de campagne avec ses grands espaces verts. “On est plus secoué par la fusillade de Thousand Oaks, qui a eu lieu la semaine dernière dans un bar qu’on connait très bien, à 12 km de la maison”, avoue-t-il. “L’incendie , on peut y réagir, pas à la fusillade.”