C’est un véritable ouragan de feu qui s’abat sur Los Angeles. Depuis plusieurs jours, des incendies attisés par un vent de Santa Ana d’une violence extrême pouvant dépasser 130 km/h, voire 160 km/h en montagne, ont réduit en cendres des quartiers entiers, notamment à Pacific Palisades et Altadena. Cinq personnes décédées, des milliers d’acres brûlés, plus de 100 000 personnes évacuées, au moins 2 000 maisons, écoles, commerces et autres infrastructures ravagés, et des pompiers toujours mobilisés, mercredi 8 janvier, pour tenter de contenir les flammes… Le désastre, dont le bilan définitif n’est pas encore connu, s’annonce comme l’un des pires de l’histoire de LA. French Morning a recueilli les témoignages de Français. Jeudi 9 janvier, Roland Lescure, député des Français d’Amérique du Nord, estimait dans un message sur LindekIn qu’entre 1200 et 1500 d’entre eux avaient dû fuir les flammes, certains ayant tout perdu.
À Altadena, face à l’arrivée des flammes, Jeanne Roué a embarqué ses trois enfants et ses deux chiens dans sa voiture, passeports à la main, en chaussons et pyjamas. Mardi en fin de journée, le feu s’est déclaré brusquement à Eaton Canyon, à deux blocs de là. « On a commencé à avoir un peu de fumée, et 25 minutes après, les hélicoptères étaient au-dessus de la maison, les hauts-parleurs hurlaient : “evacuate now”. J’ai vu les flammes, j’ai senti la chaleur sur mon visage, ça m’a fait drôle » témoigne la Française, encore sous le choc. La famille a trouvé refuge chez des amis, près du Dodger stadium. Si l’air n’y est pas bon, au moins, le feu est loin.
Quand l’alerte a été donnée, elle était seule à la maison avec son aînée de 11 ans et ses jumeaux de 7 ans, son mari revenant de San Francisco. « Je suis partie en urgence, je n’ai pas réfléchi. C’était apocalyptique, raconte–t-elle, en évoquant la fumée épaisse, l’air irrespirable, les flammes qui se rapprochent. Les enfants ont eu peur, mais ils sont restés calmes. J’ai essayé de garder mon sang-froid. On s’est engagés sur la 210, c’était complètement chaotique. Des embouteillages, des arbres en plein milieu de la freeway. Les feux de signalisation ne marchaient plus… La police et les pompiers allaient dans tous les sens. Les gens avaient peur. »
D’après une voisine, leur maison est heureusement encore debout. Ce n’est pas le cas de plusieurs de ses voisins, qui eux, ont tout perdu. « Les commerces ont brûlé. Une synagogue au bout de notre rue aussi. La Pasadena High School a été endommagée », énumère Jeanne. L’école des enfants est, elle, fermée, comme beaucoup dans les secteurs touchés. « Ils ont bien compris qu’on retournera chez nous quand on pourra, glisse-t-elle. On ne sait pas quand. Ce matin, je suis allée au CVS d’à côté acheter des brosses à dents. » En attendant, des amis mettent un logement à leur disposition gratuitement. « On ne se sent pas seuls, il y a une solidarité de fou » témoigne cette juriste et coach sportive, qui garde un moral d’acier.
Non loin de là, à South Pasadena, Pascale Bernadberoy n’a pas fermé l’œil de la nuit. Si elle n’a pas été menacée par les flammes, elle est encore sous le choc. « J’ai encore du mal à réaliser, dit-elle. Ça fait 25 ans que je suis là. Des feux, il y en a souvent, mais d’habitude, ils restent localisés dans les montagnes. Ils brûlent des petits chalets, mais des quartiers résidentiels, je n’avais jamais vu ça. Altadena, c’est un très joli quartier, très vert. Là, on dirait qu’il y a eu la guerre. » Ce mercredi, elle hébergeait une amie touchée par les coupures d’électricité, qui suite aux incendies, concernaient 4 millions de personnes en Californie du Sud.
Par précaution, Emmanuelle Franks a fermé l’Alliance française de Pasadena, dont elle est la directrice, ce mercredi 8 janvier. « Elle est très proche de la zone d’évacuation, de l’autre côté de la 210, et de nombreux professeurs et élèves ont été évacués, explique-t-elle. D’autres font face à des coupures d’électricité, et il est difficile de se déplacer. » Elle-même a dû récupérer ses enfants à l’école à cause des risques de pollution de l’air, et ne peut pas recharger sa voiture électrique. Si ce quartier n’a pas été touché, elle décrit une ville fantôme. Restaurants et cafés fermés, odeur de brûlé, cendres qui tombent du ciel, luminosité bizarre… « Cela fait 11 ans que je vis à Los Angeles, donc malheureusement, je suis habituée aux incendies, mais cet épisode est particulièrement violent. »
Mercredi soir, des Français se tenaient toujours prêts à évacuer, comme Bart, qui vit près de Pacific Palisades avec sa femme et leurs deux enfants. « Le quartier juste à côté est en évacuation obligatoire. La voiture est prête, s’il faut partir, on part » confirme le Français qui a déjà été évacué en 2018, lors du gigantesque Woosley Fire. Depuis, la famille s’est équipée de purificateurs d’air dans toutes les chambres, et sa femme s’est formée auprès des pompiers pour acquérir les bons réflexes.
Revenu en urgence du CES de Las Vegas, le Consul général de France à Los Angeles, Adrien Frier, a appelé une quinzaine de Français touchés par les incendies. À ce stade, dit-il, tous ont trouvé des solutions d’hébergement et se préparent à entamer des démarches auprès de leurs assurances. Le consulat travaille néanmoins à la mise en place d’une base de données pour faire l’intermédiaire entre les Français en recherche d’un hébergement et ceux qui ont une chambre disponible.
Une procédure d’urgence a par ailleurs été mise en place pour ceux qui auraient perdu leurs papiers d’identité. Le consulat précise enfin que le campus de Pacific Palisades du Lycée français a été épargné par les flammes et les élèves répartis sur d’autres sites. Alors que mercredi soir, un nouveau feu avait éclaté dans les Hollywood Hills, le consul exhortait les Français à « suivre très scrupuleusement les consignes d’évacuation et les directives des autorités américaines. »