Cela devait être un simple déplacement académique pour donner une conférence sur l’écriture de l’Histoire. L’historien français Henry Rousso était bien loin de se douter que sa visite à la Texas A&M University allait faire les gros titres.
Ce spécialiste reconnu en France du régime de Vichy et de l’Holocauste a été mis en détention et quasiment expulsé du territoire américain après son arrivée à l’aéroport de Houston, mercredi. Selon le récit fait par le chercheur au CNRS dans le Huffington Post, dimanche, l’agent d’immigration l’aurait accusé de venir travailler illégalement. Le conférencier disposait d’un visa de tourisme mais percevait des honoraires pour la visite, ce qui est autorisé pour les universitaires. “Je réponds (à l’agent d’immigration, ndr) que je (n’ai pas besoin d’un visa de travail, ndr), que l’université s’est occupée comme d’habitude des formalités et, surtout, que je fais cela depuis plus de trente ans sans jamais avoir eu le moindre ennui“, écrit Henry Rousso.
L’officier lui indique un peu plus tard “que je vais être refoulé (deported) et mis dans le prochain avion en partance pour Paris” et que “je ne pourrai plus jamais entrer dans le pays sans un visa particulier“.
“On bascule alors dans une autre dimension“, dit-il. Prise d’empreintes, attente sans téléphone, consulat de France injoignable: le Français décrit ses dix heures d’attente en zone de rétention et voit un homme, “peut-être un Mexicain“, “menotté, enchaîné à la taille, et entravé aux chevilles” en attendant d’être expulsé. Le Français est finalement libéré tôt jeudi après l’intervention de l’université du Texas et de plusieurs avocats d’immigration. Ils avaient été alertés par le fait qu’Henry Rousso n’avait pas été réceptionné par le chauffeur envoyé à l’aéroport.
L’agent qui a rendu à l’universitaire son passeport ne lui a présenté d’excuses, mais a expliqué que le fonctionnaire qui avait initialement examiné son dossier était “inexpérimenté” et “ne savait pas que certaines activités, dont celles liées à la recherche et à l’enseignement, bénéficiaient d’un régime d’exception et pouvaient parfaitement être menées avec un simple visa touristique“.
L’historien, né en Egypte, ne va pas jusqu’à dire que le climat actuel, marqué par les décisions restrictives de la nouvelle administration sur l’immigration, est directement responsable de cette cacophonie, mais conclut sa tribune dans le Huffington Post par une critique des Etats-Unis. “Il faut désormais faire face outre-Atlantique à l’arbitraire et à l’incompétence la plus totale. Je ne sais ce qui est le pire, conclue Henry Rousso. Ce que je sais, aimant ce pays depuis toujours, c’est que les États-Unis ne sont plus tout à fait les États-Unis“.