Petite conférence de Francine Prose, hier soir, en collaboration avec Robert Polito de la New School, et le magasin Barnes & Noble de Union Square, sur son livre « Reading like a writer ». J’y vais pour conjurer la neige et la glace. La tempête de la saint Valentin nous a ensevelis. La ville est devenue illisible. Ce matin, les conducteurs sont fous de rage car le maire veut garder les règles du parking urbain, alors qu’ils peuvent à peine dégager leurs véhicules des amas de neige compacte.
En fait Prose, la bien nommée, nous tresse les louanges de la bonne vieille explication de texte, « close reading » en anglais. Quel bonheur de redécouvrir l’organisation d’une phrase de Flannery O’Connor ; puis d’un paragraphe tout entier ; le flux harmonieux des chapîtres ensuite ! On se recrée de la structure dans ce monde de neige fondue… Slush!Slush!
Stacy Schiff, dans un édito du NY Times du 13-2, souligne un des paradoxes de la chose écrite moderne : Tandis que de moins en moins de gens lisent, de plus en plus de gens écrivent ! 27 romans sont publiés chaque jour en Amérique. Un nouveau Blog est créé chaque seconde ! Pourtant l’info est plus que jamais atomisée. Les éditeurs veulent publier les classiques en version compacte – lire « abrégée ». La connaissance est multipliée à l’infini, tandis que les instances de sa légitimation (école, édition, famille, etc.) sont, elles, bousculées par les nouvelles technologies et normes sociales.
La présidente du groupe des Hearst Magazines, selon Schiff, vient d’inciter ses éditeurs à penser leur audience en « consommateurs » plutôt qu’en « lecteurs ».
Même la définition du mot « lire » est en train de basculer, selon Google. Le processus de digitalisation des livres sous droit d’auteur transforme ces livres, selon Google, en quelque chose d’autre. Le rapport à la chose écrite est différent quand nous la convoquons sur l’écran de l’ordinateur : « Nous ne lisons plus , nous faisons de la recherche . Une fonction –searching, qui n’existait pas quand le concept de « copyright » fut établi !!Let`s google (regardons) Google . Que la Cie et ses avocats ne nous vendent pas sa nouvelle théorie (theorein : regarder) contre une poignée de lentilles ! Cela me rappelle le « surge » de Bush ou le copyright sur les gènes. De la rhétorique juridique qui finit par nous enlever le tapis sous les pieds.
En tant que lecteur insatiable de notre monde, je suis étonné par l’emprise de la linguistique publicitaire sur nos vies. Francine Prose nous rappelle qu’il n’y a tout simplement plus de démocratie possible si ce que nous lisons n’est qu’un interminable mensonge.
Des « armes de Destruction massive » à « l’Axe du mal » dont la Corée du Nord vient tout juste, cette semaine, d’être rayée, en échange d’un accord de non-prolifération nucléaire, les mots n’ont pas fini de nous hanter.
Une tante, promenant sa nièce en voiture devant un théâtre d’ Atlantic Beach, Floride, a exigé que les « Vagina Monologues « soient rebaptisés les « Hooha Monologues ». « Hooha », argot d’enfant (en Floride ?), survêcut ainsi deux jours sur le « marquee » avant d’être remplacé par le mot qui avait déjà fait le tour du monde dans sa révolutionnaire nudité, « Vagina ». « Supprimer le mot , c’est supprimer la femme », dit en substance, une des organisatrices de la production.
Mon crayon boiteux avait entamé sa route au Rwanda, il y a deux ans. Là aussi un mot tenait le devant de la scène. « Ibuka ». J’y avais découvert ce minuscule et magnifique pays seul face à l’enjeu de son génocide. Cela se dit « Ibuka » (« souvenez-vous en Kinyarwanda). La planète devrait se souvenir du génocide rwandais. Une folie qui nous appartient en propre, nous le genre humain. Nous devrions adopter le terme Ibuka=génocide rwandais (plus de 800 000 personnes tuées à la machette trois mois durant). Avant que d’oublier. Car le nouveau problème du Rwanda 2007 est la surpopulation. L’article ne précisait pas les démographies respectives Hutus, Tutsis… Le gouvernement Kagame prépare un contrôle démographique draconien. Pour qu’ « Ibuka » ne reste qu’un mot, une page d’histoire !
En cette semaine glaciale le hasard nous entraine voir l’ « Inconvenient Truth » d’Al Goree sur le réchauffement global (entendu dans la salle : « il fait froid , quel soulagement ! »). Ce film d’éveil se prolongera par un concert le 7 juillet 2007 (Bon Jovi, Red Hot Chili Peppers, Snoop Dogg…) pour lancer la campagne si bien nommée :
Save Our Selves.
The Campaign for a climate in crisis ….
SOS…Le climat illisible en somme.
Bye
PS : .Vu l’expo Reveron, un Gauguin vénézuélien, à découvrir au Moma. Horoscope de jeudi dernier dans un gratuit du métro, AM : « Pas de problème ; quand vous rentrez dans un mur, vous y découvrez vite une porte secrète ! » Cela devrait être notre slogan de vie.