« C’est drôle, les gens marchent vite aujourd’hui ». Ce vendredi, Jason Polan squatte le banc du Mercer Hotel à hauteur de Prince Street, et griffonne au stylo noir les pages blanches d’un carnet à dessin. « C’est peut être le sale temps qui les rend si pressés ». Il commence à les connaître, ces milliers d’inconnus qui grouillent les rues donnant à New York sa dynamique si enivrante. Depuis mars 2008, cet artiste de 27 ans, originaire du Michigan s’est mis martèle en tête de dessiner toutes les personnes de New York. Toutes ? « S’il faut que j’y passe le reste de ma vie, alors je le ferai ».
Des gens, il en dessine en moyenne une centaine par jour. Au musée, dans le métro, au restaurant ou à un croisement de rue, Jason trouve partout matière à crayonner. Son trait est rapide, énergique et souvent stylisé. Il ne prétend nullement faire plus que de simples croquis. Juste une silhouette, un profil, une posture qui soudain détournent son regard. Très vite, il s’empare de l’instant, aussi rapidement qu’un photographe de mode. Puis tourne la page, passe du stylo au crayon, jette un coup d’œil à droite et c’est à gauche qu’il détecte sa nouvelle cible. Ses dessins font penser à des croquis d’audience. Lui-même se compare à un dessinateur de justice. Ou de presse. D’ailleurs il travaille parfois pour le New York Times et ses portraits ont déjà illustrés les pages du Metropolis Magazine et du New Yorker.
Ce qu’il cherche ? Vivre avec les gens, « interagir » avec eux en faisant ce qu’il aime, dessiner. Il précise même « ça n’est rien de très profond ou philosophique». Ca, c’est lui qui le dit… A l’université, Jason a étudié l’art et l’anthropologie. Sur son blog, il signale « Il est possible que je vous dessine un jour sans que vous le sachiez ». C’est sa manière à lui de partager. Mieux, il accepte même de forcer un peu le hasard pour les impatients qui, séduits par le projet, ne se seraient pas encore vus sur sa galerie virtuelle. Il suffit de lui fixer un rendez-vous précisant par email adresse et heure, se décrire brièvement, mais ne jamais espérer lui offrir un café. Deux minutes (il ne demande pas plus) pendant lesquels on cherche vainement l’artiste, avant de reprendre sa route, bredouille. Et de brûler de vérifier que son portrait soit bien posté online le soir venu !
« Mon but n’est pas de gagner de l’argent ». Voir ses dessins exposés ou recevoir un Guinness World Record non plus. Lui veut que les personnes qu’il croise à New York apprécient son travail. La foule new yorkaise lui a inspiré un défi, ce projet serait une façon de l’en remercier. Quand on lui demande ce qu’il a appris sur les New Yorkais depuis qu’il a commencé, Jason Polan n’invente rien « Je ne peux pas dire que tout cela me permet de connaître les gens ici, parce que l’interaction que j’établie avec eux est bien trop rapide. Mais j’ai pu voir à force que les New Yorkais se déplacent vraiment vite d’un endroit à l’autre de la ville ! ». Mais en changeant d’endroits trois à quatre fois par jour, ne négligeant aucun borough de la ville, l’artiste est surpris de constater autant de ressemblances chez les gens. Du quartier d’affaires à Williamsburg, les personnes d’un même quartier « portent le même pantalon et ont la même coupe de cheveux ».
Every Person if New York n’est pas son premier projet artistique. En 2005, Jason avait dessiné tous les objets d’art que l’on pouvait voir au Moma entre le 19 et le 31 Janvier 2005. Cela a donné « Every piece of art in the Museum of Modern Art Book”. C’est aussi aidé des visiteurs du Moma, dans la boutique du second étage, qu’il a réalisé sur plusieurs jours un livre illustré de 500 pages appelé « The Ream Project ». Il conviait les gens à dessiner avec lui. « J’aime les choses qui sont possibles ici. J’aime interagir avec les gens qui font des choses intéressantes ».
Site de Jason Polan