Lorsqu’on voit IAM arriver dans le Buell Hall de la Columbia University, sous les applaudissements et les smartphones tendus, difficile de ne pas deviner que ces cinq là ont passé la plus grande partie de leur vie ensemble. “On est toujours les uns avec les autres, on a eu nos familles ensemble, on a vu nos enfants naître, lance Akhenaton, le leader d’IAM. Mais on se prend pas du tout au sérieux !” rassure-t-il. Rires de ses accolytes. Et de la salle.
Trève de plaisanterie, ce mercredi, ils sont venus rencontrer étudiants, fans et journalistes, pour parler de leur musique, des thèmes qui leur sont chers et un peu de politique. “L’ambiance en France est particulièrement plombée, ça s’est accentué avec l’actualité récente et l’effet des réseaux sociaux, où les gens distillent leurs propres news. Ça donne une atmosphère pas saine” . Pour IAM, c’est une première. “On avait encore jamais été invités par une université pour faire un discours, ou parler du hip-hop. Ca se fait de plus en plus aux Etats-Unis, pas en France malheureusement”, explique Shurik’n.
Devant la salle, ils ont raconté leure histoire d’amour avec New York. “Historiquement, il y a des choses qui nous lient à cette ville” raconte Shurik’n. C’est là que le groupe français enregistre son “premier vrai disque”, “Concept”, en 1988. “On a ensuite eu la chance d’y enregistrer plein d’autres albums, dans un studio historique pour les rappeurs, à l’angle de Prince et Green Street”.
A New York, dans les années 90, ils rencontrent “les grands du rap, beaucoup plus accessibles que maintenant”, n’hésitent pas à aller “les chercher dans les boites”. C’est aussi là qu’ils enregistrent une partie de leur album phare “L’Ecole du micro d’argent”, dont le titre est inspiré d’une “d’une bataille de sarbacanes dans le studio d’enregistrement à New York qui a duré de 23h à 6 heures du matin” et qui reprend le nom de l’équipe gagnante. Dans l’album, figurent certains de leurs titres les plus célèbres, dont “Je danse le Mia” dont le clip est réalisé par Michel Gondry, et “Petit frère”, sur un registre plus engagé.
“En France, il est encore difficile de faire du rap car les gens continuent de croire qu’on est des animateurs sociaux qui avons eu de la chance, ajoute Akhenaton, mi-consterné, mi-amusé, et j’aimerais amener les gens à comprendre que ce n’est pas seulement une distraction de banlieue mais une culture extrêmement riche et qui a influencé énormément de choses”.
Un choc culturel qui, selon les rappeurs, ne se limite pas au hip-hop. “Il y a une incompréhension des autres cultures en France qui pose problème sur le long terme, par exemple l’Islam en tant que période historique est très peu ou pas étudiée, pas même par les universitaires qui enseignent l’histoire. Il n’y a pas de travail de vulgarisation, or c’est important pour avoir un débat”.
“Aujourd’hui, de plus en plus d’universités américaines enseignent cette culture du hip-hop” continue le groupe. Une nouvelle donne que les rappeurs aimeraient pouvoir perpétrer dans leur pays d’origine. A Columbia, ils ont laissé un petit souvenir à la salle avant de repartir: un rap de “Petits frères”. Un avant-goût du concert du 17 avril.