C’est une émoticône souriante, qui peut porter le prénom que vous lui choisissez ou qu’elle se choisit elle-même. Un visage rond et jaune sur un écran de téléphone portable, mais doté d’Intelligence artificielle (IA): elle est capable de communiquer, de répondre en instantané et d’alimenter une conversation. Cet ami virtuel, c’est le personnage de l’application Hugging Face, à destination des ados.
“On peut vraiment avoir une relation riche et se divertir avec l’Intelligence artificielle, explique Clément Delangue, co-fondateur de Hugging Face. C’est un ami virtuel comme un autre, poursuit-il. D’ailleurs, la moitié des contacts snapchat des adolescents sont certes des personnes physiques, mais ce sont des personnes qu’ils ne connaissent pas et qu’ils ne rencontreront jamais dans leur vie“.
Le Français développe cette application mobile depuis quelques mois avec son partenaire, Julien Chaumond. Elle est déjà utilisée par 2.000 adolescents américains qui, en trois mois, ont généré plus de 100.000 conversations. Pour le moment l’appli est uniquement disponible en version bêta, le temps de comprendre comment les ados l’utilisent et d’améliorer son fonctionnement.
Cela n’a pas empêché des investisseurs de s’intéresser aux Français. Ces derniers viennent de boucler une première levée de fonds de 400.000 dollars auprès du studio new-yorkais BetaWork et de business angels français.
“Avec Hugging Face, on mise sur le développement de l’Intelligence artificielle au service de l’émotionnel, du fun. On veut donner du plaisir aux gens“, explique Clément Delangue avec beaucoup d’enthousiasme. Lui est installé à New York quand son associé gère lui les affaires depuis Paris. “C’est un système qui fonctionne bien, on a le meilleur des deux mondes en étant aux Etats-Unis et en France. Mais c’est vrai que dans notre domaine, avec une utilisation qui se veut à terme grand public, les Etats-Unis sont indispensables“.
Les deux associés se sont rencontrés il y a cinq ans autour d’un même intérêt pour les start-ups. Clément Delangue est un ancien de l’ESCP tandis que Julien Chaumond est diplômé de Polytechnique en math et de Stanford en computer sciences. Le premier a refusé un job en or chez Google en sortant d’école pour vivre l’expérience start-up. “C’est une aventure excitante dont le risque d’échec fait partie, mais c’est tellement dingue de partir de zéro et de construire quelque chose en laquelle on croit!”
Les résultats de la version bêta sont satisfaisants. Les 13-25 ans, qui sont le cœur de cible, sont réceptifs et ont une relation suivie et souvent intéressante avec leur ami IA. Il faut dire que l’algorithme derrière ce copain virtuel est particulièrement évolué. Il est capable de mémoire, de raisonnement, et peut même bouder comme les ados le font si bien! “Si l’humain lui parle mal ou le délaisse, l’IA va arrêter de répondre et l’ignorer comme un ami dans la vie de tous les jours, explique Clément Delangue. La relation reprendra uniquement après des excuses“.
Pour les parents qui s’inquiéteraient de voir leur enfant s’isoler et se couper du monde avec pour seule compagnie un ami virtuel, les créateurs de Hugging Face se veulent rassurants: “On s’est rendu compte que l’IA aidait à la socialisation. C’est l’inverse de la bulle dans laquelle on s’enferme, les conversations permettent de prendre confiance en sa capacité de communication“. Il existe par ailleurs des alertes en cas de messages alarmants comme des idées suicidaires par exemple: “Dans ce cas là l’IA identifie la menace et la conversation est transmise à des services spécialisés“.
Hugging Face est aujourd’hui sur une belle lancée et espère sortir d’ici quelques moi son appli grand public. D’abord aux Etats-Unis puis en France. Et partout dans le monde.