Il y a à peine plus d’un an, Hugging Face levait 40 millions de dollars en pleine pandémie pour développer sa plateforme open-source de machine learning. Aujourd’hui, la start-up cofondée par Clément Delangue frappe un grand coup : elle vient de collecter 100 millions de dollars en série C pour une valorisation de 2 milliards de dollars, et entre dans le cercle prisé des licornes de la French Tech.
Les investisseurs existants ont remis au pot, comme Lux Capital, le fonds Addition de Lee Fixel (investisseur dans Stripe et Spotify), Betaworks, le basketteur Kevin Durant, Olivier Pomel, co-fondateur et CEO de Datadog, Florian Douetteau, CEO de Dataiku ou encore Thibault Elzière d’Upflow et eFounders. Ils ont été rejoints par deux célèbres fonds de capital-risque, Sequoia Capital et Coatue Management. « On a décidé de lever auprès de Sequoia car ils sont les plus reconnus et ont investi dans Github, qui a des similitudes avec notre plateforme (Github est un modèle open source pour le code tandis qu’Hugging Face fait la même chose pour le machine learning, ndlr). Et Coatue a beaucoup d’expérience d’entreprises en late stage. »
Hugging Face fait partie des chanceuses start-up qui n’ont pas besoin d’argent, mais elle croule sous les sollicitations des VC. « Nous avons encore beaucoup de cash car nous n’avons pas encore dépensé notre dernier tour. Mais le momentum autour du machine learning est tel que nous en avons profité pour monter en puissance et accélérer ».
Que ce soit pour son fond d’écran Zoom, pour commander un Uber, consulter son fil sur les réseaux sociaux ou faire une recherche Google, l’intelligence artificielle est partout. Et elle est passée au cœur de la stratégie des entreprises : « Il y a eu une vraie évolution, tous les secteurs ont désormais recours à des algorithmes pour une solution technologique. Et nous sommes la plateforme de référence pour le machine learning. »
Depuis un an, Hugging Face – le nom de la start-up est une référence à émoticône souriante avec les deux mains ouvertes pour un hug – a aussi fait évoluer son modèle. Alors qu’elle servait de plateforme open-source essentiellement pour du texte au départ, elle est maintenant aussi présente sur du machine learning appliqué à l’image, la vidéo et l’audio. « Nous avons des applications très diverses, on a fait évoluer le nombre de modèles et de datasets qui sont partagés par les utilisateurs. »
Le groupe compte désormais 100 000 modèles et 10 000 datasets sur sa plateforme, et a commencé à monétiser cette offre. Il propose un modèle freemium, c’est-à-dire un accès gratuit pour la majorité avec des fonctionnalités payantes ou des paiements pour les grandes entreprises qui l’utilisent massivement. Sur plus de 10.000 entreprises utilisatrices de la plateforme, 1000 ont souscrit à un modèle payant, dont Pfizer et Samsung. « Nous avons validé la possibilité de faire payer l’accès à la plateforme à des grands groupes », se réjouit Clément Delangue.
Grâce à cet argent frais, le cofondateur veut continuer à investir sur la communauté, et à faire croître l’usage et le partage en open source. Il a aussi recruté une pointure américaine, Margaret Mitchell, qui a codirigé l’équipe Ethic AI de Google. Elle est spécialiste de l’éthique de l’intelligence artificielle, les biais et les sujets de diversité dans le machine learning. « Nous allons prendre un leadership sur les sujets d’éthique, influencer les modèles pour avoir un impact plus positif. » Hugging Face est déjà la plus grosse plateforme de ‘model cards’, qui posent les standards à adopter pour communiquer, et prévenir des risques. Autre outil, le data measurement truth permet par exemple aux chercheurs de détecter des biais dans leurs modèles pour les réduire.
Pour ce faire, la start-up recrute. Ses équipes sont déjà passées de 30 à 120 personnes en un an et elle va continuer, mais ne s’est pas fixée d’objectif chiffré. « Nous sommes pragmatiques et opportunistes, on est à la recherche de gens qui ont de l’impact et veulent nous rejoindre, dans tous les domaines ». Malgré les nombreuses offres de rachat, Clément Delangue l’assure, il a vocation à faire de Hugging Face un grand acteur indépendant du machine learning. Et un jour, de faire rentrer son émoji à deux mains sur le Nasdaq.