Hubert Joly n’aime pas être mis en avant dans les medias. Mais cela ne l’empêche pas de regarder ce que les medias disent de lui. « Quatre mois après mon arrivée à la tête de Best Buy en 2012, j’étais sur deux listes : celle des cinq patrons qui allaient être virés en 2013 et celle des sept meilleurs redresseurs d’entreprises aux Etats-Unis. »
Aujourd’hui, on ne trouve pas grand monde qui veut le virer. En trois ans, le patron français de Best Buy a sauvé le géant américain de l’électronique grand public, miné par la concurrence des sites d’e-commerce comme Amazon. Sa recette: la revalorisation des 1.600 magasins de l’enseigne, des économies importantes, des prix plus flexibles… “Hubert Joly, a dit en avril l’ex-chairman légendaire de Best Buy Hatim Tyabji, est l’un des meilleurs souvenirs de ma longue carrière” .
“J’aime les défis”
Hubert Joly est arrivé à Best Buy en août 2012, à la tête d’une entreprise dans la tourmente. Son prédécesseur Brian Dunn, accusé de relations “inappropriées” avec une employée de 29 ans, avait démissionné. Des dizaines de magasins avaient fermé. L’enseigne était engagée dans un bras de fer avec l’un de ses actionnaires et ancien co-fondateur Richard Schulze.
La recherche du nouveau boss a duré des mois. La sélection d’Hubert Joly a surpris: peu connu sur Wall Street, il venait d’un secteur très diffèrent – l’hôtellerie – où il avait relancé et développé deux entreprises: Carlson Wagonlit Travel et Carlson, propriétaire des hôtels Radisson et des restaurants TGI Friday.
« L’action de Best Buy était tombée à 11 dollars en 2012. Les investisseurs ne croyaient pas en l’avenir de la société, se souvient-il. Il y avait chez Best Buy un tableau très complet de défis, et moi j’aime bien les défis ! »
6,25 millions de dollars s’il n’avait pas eu son visa
Pour l’aider, Best Buy a sorti les grands moyens: un salaire fixe annuel de 1,1 million (dans la ligne des anciens PDGs de la marque) et un “bonus” de “sign in” de 20 millions de dollars pour compenser d’éventuelles pertes liées à son départ de Carlson. Il aurait également touché 6,25 millions de dollars s’il n’était pas parvenu à obtenir le visa nécessaire. Le Wall Street Journal a évalué le montant de son “package” de rémunérations à 32 millions de dollars sur trois ans.
« J’ai beaucoup réfléchi avant de rejoindre Best Buy, indique le Nancéen. Ma vie à la tête du Groupe Carlson était passionnante, je ne connaissais pas directement le secteur… Mais en regardant la situation de près, j’ai vu qu’il y avait beaucoup d’atouts et qu’un redressement était possible. »
Sa solution: faire de la bicyclette
Pour lui, la situation de Best Buy avait des similitudes avec celle d’IBM à la fin des années 90, quand elle a été remise à flots par Louis Gerstner Jr., qu’Hubert Joly compte aujourd’hui dans son carnet d’adresses bien fourni.
Dans le cadre de son plan “Renew Blue”, le Français a voulu améliorer l’expérience client en magasin, en ligne et à domicile. Il a également fait des économies colossales – 1 milliard – qu’il a réinvesties pour permettre à la marque de s’aligner sur des produits moins chers trouvés par les clients sur internet, et ainsi mettre un terme au “show rooming” , une pratique qui consiste à aller voir un produit dans un magasin Best Buy avant de l’acheter à moindre prix sur Amazon par exemple.
« C’est la théorie de la bicyclette: quand elle n’avance pas, elle tombe. Si elle avance et qu’elle ne va pas droit, ce n’est pas grave car on peut rectifier le tir, dit-il pour expliquer les nombreux chantiers engagés. La différence entre un bon leader et un très bon leader n’est pas la qualité des décisions mais la quantité. »
“Je reste français, Monsieur!”
Malgré ces réussites, on le voit peu dans les medias, lui fait-on remarquer. Une “discrétion” qu’assume le Français. Probablement le reflet de son expérience à Vivendi au début des années 2000, où il a vu la chute de Jean-Marie Messier. « Je considère que le chef d’entreprise n’a pas besoin d’être en couverture de la presse. Pour sa propre santé psychologique déjà, mais aussi parce que les redressements sont une affaire d’équipe. »
Même si Hubert Joly s’est hissé aux sommets de “Corporate America”, “je reste français, Monsieur! ” – il n’a eu sa carte verte qu’il y a un an et demi. « La France a de nombreux atouts. Elle gagnerait à embrasser l’avenir avec plus d’enthousiasme. Le gouvernement actuel essaye de faire avancer les choses. Il faut aller plus loin, juge-t-il. Toutefois, il faut éviter de faire du French Bashing. La qualité de la main d’œuvre est extraordinaire. L’élite très compétente. Les infrastructures de grande qualité. A l’international, les entreprises françaises marchent bien. Il y a très peu de différences entre une multinationale française et une américaine. »
Des amis puissants
Maintenant que Best Buy est “stabilisé” , le Français veut mettre la marque du Minnesota sur le chemin de la “croissance, de l’innovation et de l’obsession du client” . Car “les acteurs qui s’en sortent sont ceux qui sont obsédés par le client” .
Pour l’aider, il est bien entouré. Il confie être en contact avec le PDG de Ford Alan Mulally, auteur d’un “redressement remarquable” , ou encore Tim Cook, le boss d’Apple. “On est en apprentissage constant ,dit-il. On cherche toujours à s’améliorer” . Mercredi 17 juin, il est attendu à New York pour recevoir un prix de la US Sciences po Foundation. Le rendez-vous affiche complet.
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Interessante histoire de divorce en 2013 qui lui a couté bonbon… Je vous laisser chercher l’article sur le WSJ. Comme quoi on peut reussir sa vie professionelle et rater sa vie privee. Enfin, c’est bien d’avoir un frenchie a la tete d’une société US, ne serait-ce que pour la redresser.