Hubert Joly doit trouver les journées bien courtes. Aux commandes d’une entreprise présente dans 150 pays, il passe son temps dans les avions et les hôtels. Pas seulement dans les établissements du groupe américain – 1071 hôtels Radisson, Missoni, Park Plaza, Park inn et Country inns & suites – mais aussi dans les 5 étoiles de l’Hexagone: il était membre du jury, désigné par le gouvernement français, chargé d’attribuer le titre de Palace, au début du mois. Il siège au conseil d’administration de Carlson et dans celui de Polo Ralph Lauren. Et sans tapage médiatique, il vient de rendre son rapport au secrétaire américain au Commerce sur la reconquête du marché du tourisme – les États-Unis ayant perdu 1/3 de leurs visiteurs étrangers en 10 ans.
Originaire de Nancy et père de deux enfants – dont une fille étudiante à Columbia -, Hubert Joly fait partie du cercle restreint des Français à la tête d’une société américaine d’envergure internationale. L’entreprise, 100% privée, reste détenue par les deux filles du fondateur suédois Curtis Carlson. Le groupe de Minneapolis compte 170.000 employés dans le monde et enregistre un volume d’affaires de 35 milliards de dollars. Le spécialiste de l’hôtellerie et du voyage d’affaires, également propriétaire des 900 restaurants TGI Friday’s, s’est donc doté, en 2008, pour la première fois de ses 73 ans d’histoire, d’une personnalité extérieure à la famille. « Je n’étais toutefois pas un inconnu, je venais de l’intérieur, relativise Hubert Joly, car j’avais fait mes preuves à la tête de Carlson Wagonlit Travel » (CWT). C’est en effet sous sa direction que l’activité agence de voyage business a été propulsée à la première place mondiale du secteur, devant son concurrent American Express Travel. Ses clients sont, entre autres, GE, JP Morgan, Google, Ebay ou encore Alcatel.
L’atout d’Hubert Joly réside dans sa solide culture franco-américaine. De formation typiquement française – HEC et Sciences Po -, il a commencé sa carrière au sein du cabinet chicagoen McKinsey, 13 années passées entre Paris, San Francisco et New York. « Les États-Unis, ce fut un hasard. Mais j’ai tout de suite aimé le pays. » Après 3 ans chez EDS à Paris, Hubert Joly part diriger Vivendi Universal Games à Los Angeles, puis Vivendi Universal à New York en tant que Executive Vice President. C’était entre 2001 et 2004, période tumultueuse. Il connaît l’effondrement du groupe de communication, le départ de Jean-Marie Messier – qu’il confesse avoir revu il y a quelques semaines – et participe à la recomposition de Vivendi. Sa réputation d’homme des situations difficiles prend de l’ampleur, mais toujours dans la discrétion.
En 2004, Accor le choisit pour reprendre les rênes de l’une de ses filiales, CWT, qui reviendra dans le giron Carlson en 2006. En 4 ans, les ventes de l’agence de voyage ont été multipliées par 3, passant de 8 à 25 millions de dollars. Une performance qui a évidemment retenu l’attention de Marilyn Carlson Nelson en quête d’un héritier aux commandes du groupe. « Le dialogue est intime avec mes actionnaires, on se connaît bien, ce qui crée un climat de confiance ».
Hubert Joly a lancé, depuis, un plan “Ambition 2015”. Objectif : augmenter de 50% le parc hôtelier, notamment dans les pays émergents et poursuivre la montée en gamme avec le label Radisson Blu (le dernier né, $125 millions d’investissements, sera inauguré à Chicago le 31 octobre), maintenir au top l’agence de voyage et doubler le nombre de TGI Friday’s dans le monde. La chaîne fondée par Alan Stillman en 1965, pur produit de la culture américaine, connaît un nouvel essor en Asie. « L’esprit convivial de ces restaurants plaît beaucoup, aux Chinois notamment. On y vient pour s’amuser. C’est Stillman qui a inventé le concept des happy hours », souligne le boss, défendant un style de restauration pas toujours apprécié des Français. Les critiques viennent surtout de Big Apple: à l’image du restaurant de la 5e Avenue, les TGI Friday’s new-yorkais manquent cruellement de rénovation. «Pour des raisons historiques, les TGI Friday’s de New York ne nous appartiennent pas, il sont encore la propriété du fondateur», tient à préciser Hubert Joly. « Aujourd’hui, 80% des TGI Friday’s sont aux États-Unis. Dans 4 ans, les 2/3 seront situés hors du pays », si le plan Ambition 2015 est respecté.
Quand on lui demande si le fait d’être français modifie le rôle de dirigeant au sein d’une entreprise américaine, Hubert Joly sourit. «Franchement, non. Ici aux Etats-Unis, la nationalité importe peu. J’ai simplement internationalisé la direction du groupe ». Quasi exclusivement américaine avant sa nomination il y a 3 ans – il était le seul étranger -, l’équipe de directeurs s’est enrichie de 5 nationalités européennes. Pas d’Asiatique mais c’est peut-être le challenge à venir. « Je dis toujours que mon successeur devra être une femme chinoise ou indienne ».
(Crédit photo: Anthony Behar/Sipa Press).
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“…un des rares Français à diriger une multinationale américaine.”Qui sont les autres ?