Jeanne Balibar dégage une décontraction et un calme contagieux en prenant place dans une pièce du French Institute Alliance Française (FIAF) à New York. Le 13 octobre, dans le cadre du festival Crossing the Line, la comédienne française présentera “Les Historiennes”, un one-woman show de sa création. Une expérience nouvelle pour la lauréate du César 2018 de la meilleure actrice pour son rôle dans le film “Barbara”. “C’est la première fois que je crée un objet scénique et la première fois aussi que je serai complètement seule sur une scène”, indique-t-elle. Jeanne Balibar relèvera pour l’occasion le défi d’incarner sept personnages, tous féminins.
Son spectacle s’articule autour de six femmes : trois historiennes et leurs sujets d’études, trois femmes également. Ces dernières sont des “héroïnes” aux destins hors du commun : Violette Nozière, jeune fille ayant assassiné son père incestueux en 1933, Delphine Seyrig, star de cinéma, et Páscoa, une esclave angolaise au Brésil à la fin du XVIIe siècle.
Autoportrait
“À travers ces vies très singulières, ce spectacle permet de rêver autour de l’humanité ordinaire”, dit Jeanne Balibar, qui prend le temps de la réflexion avant de répondre aux questions et formule ainsi de jolies phrases aux pensées précises.
Une précision d’historienne, justement, qui aurait pu lui ouvrir les portes d’une carrière dans ce domaine si elle n’avait pas décidé, au dernier moment, de tenter plutôt l’aventure artistique. Anne-Emmanuelle Demartini, Emmanuelle Loyer et Charlotte de Castelnau, les trois historiennes dont les travaux ont inspiré le spectacle, sont, au passage, les amies d’enfance de Jeanne Balibar, aux côtés desquelles l’actrice a étudié au lycée Henri IV à Paris, puis à l’Ecole normale supérieure.
“Il y a un noyau commun entre ce qu’elles font et ce que je fais”, indique-t-elle. “Au-delà de l’admiration que j’ai pour leur travail, ce spectacle est une manière pour moi de faire un autoportrait à travers les autres.” Jeanne Balibar, elle-même, est de fait le septième personnage sur scène.
“Je suis très pessimiste au sujet de la lutte contre la domination masculine”
Ce spectacle entièrement féminin fait écho à des réflexions de l’artiste. En mars dernier, lors de la cérémonie des Césars, Jeanne Balibar avait prononcé un discours émouvant et bienveillant à l’attention notamment de ses camarades actrices, et en l’occurence concurrentes, mettant à l’honneur la notion de sororité.
“J’ai un point de vue très, très pessimiste sur les possibilités qu’ont les femmes de combattre la domination masculine, commente l’ancienne résidente de la Comédie française. Je pense que tout ce qui s’est passé cette dernière année ne produira pas tant de résultats qu’on le croit. Et je pense que la sororité est l’une des manières de rester dans l’action positive. Dans un contexte où il faut bien-sûr se battre pour faire avancer la cause des femmes, il est très utile de ne pas se battre frontalement mais simplement de faire des choses ensemble, des choses qui regardent ailleurs.”
Jeanne Balibar continue d’ailleurs sur sa lancée créatrice. Elle vient de terminer le tournage de son premier long-métrage en tant que réalisatrice, “Merveilles à Montfermeil”. “Ce doit être la cinquantaine, ça. Je commence à fabriquer des choses”, sourit-elle.