Avec ses 460 ans d’histoire, Saint Augustine s’affirme fièrement comme la plus ancienne colonie européenne habitée en continu aux États-Unis. Fondée en 1565 sur la côte nord-est de la Floride, cette doyenne a vu le jour 42 ans avant l’établissement de Jamestown, en Virginie, et 55 ans avant l’arrivée des Pères pèlerins à Plymouth, dans le Massachusetts. Après près de deux siècles sous domination espagnole, une parenthèse britannique, puis un bref retour sous l’égide de l’Espagne avant son intégration aux États-Unis au tournant des années 1820, cette cité historique célèbre la richesse de son passé. French Morning vous invite à apprécier son charme intemporel – parfois ponctué d’une touche de kitsch assumé – lors d’une escapade de trois jours.
Cet héritage se révèle dans le quartier d’Old City, où cette bourgade de 15 000 âmes a vu s’élever ses premières constructions au style colonial espagnol, avec leurs toits en tuiles ocre, leurs murs blanchis à la chaux et leurs cours intérieures fleuries de bougainvilliers. Sur St. George Street, une artère piétonne bordée de galeries d’art, de cafés et de boutiques pittoresques, les badauds croisent l’Oldest Wooden Schoolhouse, la plus vieille école en bois encore debout aux États-Unis. Érigée au début du XVIIIe siècle, cette modeste bâtisse témoigne des conditions d’enseignement d’autrefois.
Après une halte au Castillo de San Marcos, la plus ancienne fortification du pays, qui veille sur les eaux bordant Saint Augustine depuis plus de trois siècles, le Colonial Quarter prolonge cette immersion historique avec ses fidèles répliques de vieilles bâtisses où l’âme des pionniers semble planer. Forgerons et menuisiers en habits d’époque, soldats maniant le mousquet et autres démonstrations captivantes animent ce musée à ciel ouvert, retraçant avec brio l’ère coloniale espagnole et britannique. Depuis une tour de guet, une vue imprenable sur la ville vous attend, avant de trinquer avec une sangria et de savourer des plats inspirés des recettes d’antan dans une taverne authentique.
Vos pas vous conduiront ensuite à la Plaza de la Constitución, la toute première place publique du territoire américain, aménagée dans les années 1570. Ce havre ombragé de chênes centenaires, orné d’un kiosque et de statues commémoratives, est dominé par la Government House, ancienne résidence des gouverneurs espagnols devenue musée, et par la majestueuse Cathedral Basilica of St. Augustine, qui mêle influences hispaniques et néoclassiques. Siège de la plus vieille paroisse catholique du pays, établie aux premiers jours de la ville, l’actuel édifice, inauguré en 1797, a été élevé au rang de basilique mineure par le pape Paul VI près de deux siècles plus tard.
Attirant tous les regards, le somptueux Hotel Ponce de León, joyau du patrimoine architectural local, doté de vitraux signés Louis Comfort Tiffany, plonge les curieux dans un décor hispano-mauresque évoquant l’Andalousie. Conçu dans les années 1880 par le duo new-yorkais John Merven Carrère et Thomas Hastings pour le magnat des chemins de fer Henry Flagler, ce palace a accueilli des hôtes prestigieux, parmi lesquels John Jacob Astor, passager le plus fortuné du Titanic, John Davison Rockefeller Jr., héritier de la célèbre dynastie, et plusieurs présidents américains, dont Grover Cleveland et Theodore Roosevelt. Aujourd’hui intégré au Flagler College, une institution universitaire réputée, cet édifice se découvre lors de visites guidées menées par des étudiants.
Sur le trottoir opposé, l’Alcazar Hotel, autre chef-d’œuvre des mêmes architectes, incarne l’élégance de la fin du XIXe siècle. Fermé durant la Grande Dépression, cet ancien hôtel d’Henry Flagler a été racheté en 1946 par Otto C. Lightner, éditeur de Chicago et collectionneur passionné, qui l’a transformé en écrin pour ses précieuses acquisitions. Ce bâtiment abrite désormais le Lightner Museum, un fascinant cabinet de curiosités où, sur trois étages, se déploient sculptures en marbre, artefacts autochtones, oiseaux naturalisés, instruments de musique mécaniques et mobilier d’époque.
Non loin de là, la Villa Zorayda, inspirée du palais de l’Alhambra à Grenade, en Espagne, reflète l’excentricité de son ancien propriétaire, le millionnaire bostonien Franklin Webster Smith. Construite à la fin du XIXe siècle, cette structure tape-à-l’œil, désormais convertie en musée, renferme une collection éclectique d’objets d’art, tapisseries anciennes et trésors orientaux, dont l’intrigant Sacred Cat Rug, un tapis vieux de plus de 2 400 ans, réputé avoir été tissé avec les poils de chats qui arpentaient jadis les rives du Nil en Égypte.
Votre voyage dans le temps se poursuivra au Fountain of Youth Archaeological Park, supposé être l’endroit où Ponce de León, explorateur espagnol du XVIe siècle, aurait, selon la légende, cherché la mythique fontaine de jouvence. Bien qu’une fontaine y coule effectivement, goûter à son eau légèrement soufrée relève davantage de la curiosité que du miracle : aucun visiteur téméraire n’a encore rapporté d’effet prodigieux, mais l’espoir, dit-on, fait vivre. Malgré une mise en scène quelque peu surannée, les reconstitutions immersives, les artisans en costumes d’époque et les spectacles interactifs ravissent petits et grands.
À quelques pas, la Old Jail vous plonge dans un univers carcéral d’un autre temps. Construite à la fin du XIXe siècle, cette ancienne prison servait également de résidence au premier shérif de la ville, Charles Joseph Perry, un colosse de près de deux mètres surnommé « la terreur ». Un guide, déguisé en détenu, vous mènera à travers les cellules austères tout en partageant anecdotes et récits sur les conditions de détention de l’époque.
Sur la discrète Aviles Street, considérée comme la plus ancienne ruelle du pays tracée au début du XVIIe siècle, le Spanish Military Hospital Museum révèle les pratiques médicales, parfois effrayantes, de l’ère coloniale : amputations, sangsues et autres méthodes redoutées y sont expliquées dans le détail. Âmes sensibles, s’abstenir. Pour une touche plus légère, cap sur le St. Augustine Pirate & Treasure Museum – à mi-chemin entre musée et parc d’attractions – pour découvrir l’épopée des flibustiers qui écumaient les mers grâce à des artefacts authentiques ainsi que des expositions ludiques.