C’est au croisement de la 142e rue et de la 5ème avenue, au coeur d’Harlem, que se dresse la caserne du 369ème régiment.
Derrière un grand bureau en bois massif, le général Nathaniel James, la casquette de son régiment sur le chef, un costume brun sur le dos, est assis confortablement. Sur les murs de la pièce cohabitent récompenses et photos d’anciens combattants. Il arbore un sourire joyeux qui adoucit son visage et ferait presque oublier son âge, 79 ans.
Il a tôt fait de se plonger dans son activité favorite: raconter l’histoire des Harlem Hellfighters. “Les Français avaient besoin d’hommes pour les aider pendant la Première Guerre Mondiale. Les Américains leur ont proposé le 369ème régiment et ils ont accepté. C’est comme ça que l’histoire des Harlem Hellfighters a commencé“, raconte-t-il.
Trois mille hommes composent alors la première unité afro-américaine à servir aux côtés du corps expéditionnaire américain. En raison de la politique ségrégationniste américaine alors en vigueur, le régiment est placé sous commandement français.
En Europe, la réputation du régiment ne tarde pas à se faire : “Les soldats allemands se sont demandés pourquoi ces hommes se battaient si vaillamment pour un pays qui les traitait si mal ! Ils ne comprenaient pas ! Ils ont essayé de capturer des combattants mais n’ont jamais réussi“, explique le général.
“Ça a été l’occasion pour les Noirs de se battre pour saisir l’opportunité qui leur était offerte“. Ces mêmes soldats allemands donneront le surnom de Hellfighters aux combattants du 369ème régiment pour qualifier leur courage et leur vaillance.
Après la guerre, 171 d’entre eux ont été décorés de la Croix de guerre par le gouvernement français et bon nombre ont reçu la Légion d’honneur.
Lutter contre l’oubli
L’histoire de ce régiment est bien connue dans le quartier et le général Nathaniel James multiplie les occasions pour que ce précieux héritage ne tombe pas dans l’oubli. Son combat, ce n’est plus sur le champ de bataille qu’il le mène, mais dans la Harlem Armory où se tient le siège de la 369th Historical Society, qu’il a fondée en 1960.
“Les combattants sont morts et il est indispensable que les plus jeunes soient au courant de l’existence et de l’histoire du 369ème régiment “. Le but de l’Historical Society est ainsi de recueillir, préserver et maintenir les objets, livres, documents, photographies, films et articles sur l’histoire du 369ème régiment, de ses alliés et des soldats afro-américains qui ont servi les États-Unis. Les collections du Musée se composent d’une vaste collection de photographies et d’artefacts des soldats de la Première Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui.
Dans le cadre du Black History Month – et du centennaire de la Guerre de 14-18, le Consulat Général de France à New York rendra hommage aux Harlem Hellfighters pour leur engagement. Une exposition de documents et d’images d’archives aura lieu le jeudi 20 février de 11h à 17h.
Au cours de sa carrière de 33 ans, Nathaniel James a occupé divers postes et a continué à développer sa connaissance institutionnelle du commandement de l’armée, des opérations et de la stratégie.
Promu au grade de général de division en 1992, James devient alors le premier afro-américain à obtenir ce rang dans l’histoire de la Garde nationale de l’armée de New York. Ses yeux brillent lorsqu’on lui demande si il est fier de cette première : “Quand vous êtes né dans un pays et vous réussissez alors oui, il y a de quoi être fier“.
La France ne doit pas seulement aux Hellfighters une aide militaire précieuse mais également la découverte de la musique jazz. L’orchestre du régiment, sous la direction de James Reese Europe, contribua en effet à introduire le jazz en Europe. Dès 1918, il voyage dans toute la France, donnant des concerts.