C’est un lieu qu’on dirait tout droit sorti d’un imagier parisien des années 20. Dorures et grand lustre baroque, tables mange-debout, long bar en zinc et miroirs au mur dans la première salle. Plus intimiste et chaleureux, photos en noir et blanc et alcôves aux banquettes rouges dans la deuxième. Pénétrer dans Grand Brasserie, c’est voyager à moindres frais. Un aller-retour direction le Paname arty-chic, la touche bling new-yorkaise en plus, le bilan carbone en moins. Pas étonnant donc que cette nouvelle « brasserie » (il n’est évidemment pas question de brasser de la bière ici…) ait installé ses quartiers à Grand Central, la gare iconique de Manhattan.
En lieu et place de City Winery dans le Vanderbilt Hall, Grand Brasserie est un projet grandiose comme seuls les Américains savent en concevoir. 1500 mètres carré, 400 couverts, une hauteur sous plafond digne de Notre Dame de Paris, et une ouverture 7 jours sur 7, 365 jours dans l’année, de 5:30am à 2am. Les chiffres de ce paquebot de la restauration donnent le vertige.
À l’initiative de ce bistrot XXL : un groupe de restauration américain, le Vizz Group, dirigé par Rick Blatstein, un magnat de l’hospitality bien connu puisqu’avant ce projet, il s’était séparé de son empire, OTG eatery, qui comptait plus de 350 établissements dans les terminaux d’aéroport à travers les États-Unis.
Dans l’assiette, très élégante, porcelaine et liseré rouge, ça donne des plats bistrotiers bien de chez nous (avec des prix qui le sont forcément moins) : escargots en persillade, vichyssoise, pâté en croûte pour les hors d’œuvres (on valide totalement ce terme suranné et pompeux délaissé depuis des lustres dans nos adresses de quartier), sole meunière, moules-frites, confit de canard et classiques croque-monsieur du côté des « entrées » (comprenez « plats », dommage de ne pas avoir francisé le menu jusqu’au bout) mais aussi une sélection de charcuteries et des viennoiseries histoire de se sustenter à chaque moment de la journée.
Ce jour-là, on a opté pour la frugalité. Aka une omelette dodue au comté fondant à 19$. En bon français, on s’apprêtait à user de notre penchant pour la critique. Mais force est d’avouer que cette omelette bien balancée nous a retournés. Légèrement soufflée, sans coloration (le signe d’une omelette réalisée dans les règles de l’art), parfaitement oblongue, moelleuse mais pas dégoulinante, égayée d’une salade verte, on avait envie de féliciter le chef, Guillaume Thivet, qu’on imagine biberonné à l’école Escoffier. Avant Grand Brasserie, ce dernier avait fait ses armes chez Bouley, à la Brasserie Les Halles et à La Grande Boucherie avant de prendre les commandes de Verōnika à Fotografiska, restaurant qui a fermé avec le déménagement de ce temple de la photographie.
Côté boissons, le mixologiste Vito Centrone a imaginé une carte de cocktails innovante à l’image de La Vie En Rose, breuvage au nom évocateur à base de vodka et d’eau de rose ou du Now or Never, un mojito original infusé à l’hibiscus et à la lavande.
Grand Brasserie est un endroit pratique et impressionnant pour dîner, déjeuner ou goûter. Le genre d’endroit où l’on vient patienter seul avec plaisir avant d’attraper son train mais aussi où l’on donnerait volontiers rendez-vous à un ami pour une pause déjeuner improvisée. D’autres s’y attableront dans un coin discret pour des discussions professionnelles et les derniers resteront accoudés au bar devant un écran qui diffuse un match de football américain. Chacun y trouvera donc son bonheur et, détail qui a son importance dans une ville comme New York où chaque sortie au restaurant se prévoit des semaines à l’avance, nul besoin de réserver étant donné le nombre de tables disponibles.