Dans le quartier de Times Square, au pied de l’immeuble de Techstars, il y un Peet’s Coffee. Ce café est devenu la salle de rendez-vous officieuse des jeunes entrepreneurs qui peuplent l’accélérateur de start-ups le plus connu de New York.
“J’ai pitché des investisseurs à cette table”, nous dit en entrant Romain Lapeyre, fondateur de Gorgias et “diplômé” de Techstars au mois de janvier 2016. Ces séances ont fini par payer. En février, Gorgias, qui développe un logiciel pour les “help desks” des start-ups de e-commerce, a levé 1,5 million de dollars, en particulier auprès de Charles River Ventures. Un gros fonds qui a déjà ses billes dans Zendesk, référence du secteur.
Cette levée de fonds, Romain Lapeyre et son co-fondateur Alex Plugaru la doivent beaucoup à Techstars. “Pour une boite étrangère comme la nôtre, sortir de Techstars te donne une vraie crédibilité. Cela nous a permis d’avoir accès à des investisseurs américains – j’ai du en voir une quarantaine – et à des clients qu’on n’aurait jamais pu approcher autrement”, estime cet HEC de 25 ans, qui a grandi dans la Manche, et vit depuis septembre 2015 à New York.
“Il y a une vraie solidarité dans le réseau Techstars, et encore plus parmi les Francais qui sont passés par là, comme les fondateurs d’UniqueSound, Placemeter ou Sketchfab” , ajoute-t-il.
Si le passage par un accélérateur a un coût certain (en l’espèce : céder 6% des parts à Techstars), Romain Lapeyre ne regrette pas une seconde. “Pour nous, c’était tout bénef. On est jeune, on avait lancé la boite il y a à peine un an à Paris, on avait pas beaucoup d’expérience entrepreneuriale. C’était le moyen idéal pour venir aux US.”
Et venir aux Etats-Unis, pour une entreprise de logiciels SaaS comme Gorgias, c’est un passage quasi-obligé, au vu de la taille du marché. “C’est aussi plus facile de démarrer ici car il y a beaucoup plus d’appétence à tester. Mais on a pas mal de clients en France aussi”, nuance-t-il.
Pour trouver des clients, Romain Lapeyre prend son bâton de pèlerin et démarche lui-même des start-ups de e-commerce et du “on demand”, son coeur de cible. Cet après-midi, il était dans une entreprise de livraisons de plats à domicile.
Son pitch : promettre à ces start-ups d’améliorer l’efficacité de leurs centres d’assistance aux clients (help desk) – et de Zendesk, le logiciel concurrent numéro un – en automatisant certaines réponses ou tâches grâce à du “machine learning”.
“L’idée n’est pas de remplacer les humains par des robots, mais de permettre d’aller plus vite dans certaines réponses”, avec des tâches semi-automatiques et des suggestions de phrases par exemple. “On permet aussi d’agréger sur une même plateforme toutes les interactions qu’a eu le client avec le service, que cela soit par SMS, téléphone, dans une boutique ou online.”
Son idéal : éviter qu’une start-up ne délocalise son centre d’appels aux Philippines, et donner plus d’intérêt à ces métiers, en évacuant leur aspect le plus répétitif. Et en ce mois d’avril, Gorgias revendique 130 clients, qui paient un abonnement mensuel par utilisateur. La start-up Plated – un ancienne de Teschstars – a signé, tout comme ClassPass, Doctolib, Heetch…
Mais rien n’est complètement dans la poche. Les difficultés pour une start-up comme Gorgias sont multiples : ne pas se faire dépasser d’un point de vue technologique par Zendesk, faire grossir son nombre de clients rapidement et les fidéliser, ne pas “brûler” trop vite l’argent en banque… Et convaincre Charles River, référence dans le secteur, de bien vouloir poursuivre avec eux pour la levée de fonds d’après, celle de la “series A”. “Si Charles River refusait de les soutenir pour une series A, ou même s’il ne prenait pas le lead, cela enverrait un mauvais signal”, affirme un VC observateur.
Plus prosaïquement, Romain Lapeyre doit maintenant terminer de recruter son troisième développeur, et déménager dans des locaux à lui. En attendant, il “squatte” encore chez Techstars… Et au Peet’s Coffee.