Son ascension n’en finit plus. Lauréat de la palme d’or à Cannes en mai 2023, « Anatomie d’une chute », qui met en scène Sandra Hüller dans le rôle d’une femme soupçonnée d’avoir tué son mari, poursuit son incroyable moisson de prix et de nominations. Lundi 11 décembre, le quatrième long-métrage de Justine Triet, écrit pendant la pandémie avec son compagnon, Arthur Harari, a reçu 4 nominations aux Golden Globes, dont la cérémonie se déroulera le 7 janvier 2024 à Los Angeles (meilleur drame, meilleur film en langue étrangère, meilleure actrice et meilleur scénario). Il se fraye une place parmi les superproductions américaines « Barbie » de Greta Gerwig et « Oppenheimer » de Christopher Nolan.
Après son couronnement à Cannes, le drame judiciaire brille dans les plus grands festivals, des deux côtés de l’Atlantique : 6 statuettes aux European Film Awards à Berlin, 2 trophées aux Gotham Awards, une récompense du Cercle des critiques de cinéma et une autre du National Board of Review à New York; trois nominations aux Critics Choice Awards, qui auront lieu en janvier à Los Angeles… « C’est juste phénoménal » s’enthousiasme Didier Allouch, le journaliste expert des tapis rouges de Cannes et d’Hollywood, installé depuis plus de 30 ans à LA. Il salue l’« un des meilleurs films de l’année », « formidablement bien écrit et mis en scène. »
La raison d’un tel succès ? « C’est le film lui-même ! » tranche le journaliste cinéma. « Il touche aussi bien le grand public que les connaisseurs. Justine Triet a trouvé un nouveau moyen de nous raconter une histoire déjà vue, celle d’un accident, d’une mort suspecte. Elle est parvenue à nous troubler : on croit avoir vu ce qu’on a vu, mais avec le poids des préjugés de la justice et de la société sur cette femme, elle va commencer à nous faire douter. Ça nous retourne la tête ! ».
Une analyse que partage François Truffart, directeur et programmateur de l’American French Film Festival de Los Angeles. « Anatomie d’une chute » faisait partie de la sélection de la 27e édition du festival, annulée en octobre en raison de la grève à Hollywood. « Dès le festival de Cannes et même avant, ce film a créé un énorme buzz, se souvient-il. Il a plu à tous les festivaliers, y compris à la critique anglo-saxonne. Il a cette faculté assez rare, dans le cinéma français, de concilier film d’auteur et film grand public. Par son contenu, sa forme, son sujet, il s’adresse vraiment à un large public. »
Le drame, qui dissèque avec virtuosité les rapports de force au sein d’un couple à bout de souffle, est un succès au box office. Depuis sa sortie en France, le 23 août, il a réuni 1,3 million de spectateurs et franchi la barre symbolique d’1 million d’entrées à l’international. Aux États-Unis, il réalise un opening exceptionnel : sorti dans 450 salles, il a déjà réuni 580.000 spectateurs… Didier Allouch comme François Truffart insistent sur la campagne menée tambour battant par Neon, le distributeur du film aux États-Unis, pour le faire connaître « de manière très intelligente » auprès du public américain, « en reprenant les codes du thriller ».
« C’est une immense satisfaction de voir qu’un film français d’une qualité de mise en scène comme celle-ci peut rencontrer son public dans le monde entier, se réjouit Aude Hesbert, qui promeut l’audiovisuel français au sein de la Villa Albertine à Los Angeles. Il touche les publics au Royaume-Uni, en Allemagne, aux États-Unis… Au Lincoln Center, à New York, la salle est pleine à chaque séance. Cela fait plusieurs années que nous n’avions pas vu un tel succès pour un film français aux États-Unis. »
Son chemin vers les sommets l’amènera-t-il jusqu’aux Oscars ? Si le long-métrage n’a pas été retenu pour représenter la France en mars 2024 à Los Angeles dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère (c’est « La Passion de Dodin Bouffant » de Tran Anh Hung avec Juliette Binoche et Benoît Magimel qui lui a été préféré), il pourrait bien décrocher une ou plusieurs statuettes dans les autres catégories où il est en lice.
« Pourquoi pas l’Oscar du meilleur scénario et celui de la meilleure actrice pour Sandra Hüller, se projette François Truffart. Il mérite d’avoir un Oscar mais la compétition est très très dure face aux Américains. » Didier Allouch est encore plus optimiste. Il dresse le parallèle avec « The Artist », de Michel Hazanavicius, qui n’avait pas été envoyé par la France aux Oscars, ce qui ne l’avait pas empêché de recueillir 12 nominations en 2012. « Je vois Anatomie d’une chute à 4 nominations aux Oscars, prophétise-t-il. Les Golden Globes en sont un très bon signe annonciateur. »