Dans les nouveaux bureaux de Daylighted, dans le quartier de Jackson Square, à San Francisco, trônent deux grands écrans plats. Photographies, peintures, images animées s’y succèdent lentement. Au cours de notre discussion, le regard s’y laisse capter plusieurs fois. C’est l’objectif.
« Notre idée, c’est que les gens puissent découvrir un bon photographe ou un bon peintre aussi facilement qu’on découvre de la musique ou un bouquin », résume Alex Cammarano, co-fondateur avec Elisabeth Mouchy de la start-up Daylighted, qu’il présentent comme un “Spotify de l’art” – ou une galerie d’art intelligente.
Attirée par les Etats-Unis depuis toujours, Elisabeth Mouchy y habite depuis quatre ans. Cette francilienne scrutait l’innovation dans la Silicon Valley pour La Poste, et avait « envie de monter [sa] boîte ». « Pas fan des US » au départ, Alex Cammarano, grenoblois, est « venu à reculons » en 2011, pour suivre un bachelor en management à Temple University, à Philadelphie. Il est « tombé presque par hasard dans l’art et l’entreprenariat ». Présentés l’un à l’autre « par un ami commun », les deux trentenaires se sont lancés.
Depuis ses débuts en 2013, Daylighted a installé au total une cinquantaine de ses écrans animés dans 16 hôtels clients, aux Etats-Unis, au Canada et en France. Les hôtels abonnés peuvent choisir parmi les 10’000 œuvres de 300 artistes (souvent locaux) sélectionnés par Daylighted. Ou opter pour des collections thématiques.
Grâce une tablette qui accompagne l’écran, le visiteur curieux peut en apprendre plus sur l’œuvre, voire l’acheter. « Au fond, on est aussi une galerie d’art presque classique », commente Elisabeth Mouchy.
« Face aux nouveaux entrants comme AirBnB, les hôtels veulent de plus en plus créer une expérience locale, unique, personnalisable. Ils veulent aussi plus de technologie, parce qu’aujourd’hui, la moitié des voyageurs sont des millenials », analyse-t-elle. « Les hôtels ont besoin d’art, et les artistes de visibilité », complète Alex Cammarano.
C’est un road trip qui l’a conduit à ce constat : après son année d’étude à Philadelphie, il s’achète un appareil et s’essaie à la photographie en sillonnant les Etats-Unis. Il découvre le monde de l’art, ses canaux de diffusion, et commence à « bricoler un écran ». Au passage, il tombe amoureux de la Californie. « Maintenant, je ne me vois plus partir », confie-t-il.
Les deux acolytes peaufinent leur idée dans un incubateur de start-ups, le Founder Institute, à l’été 2013. Ils multiplient les rencontres pour comprendre les mondes de l’art et de l’hôtellerie, trouvent un premier hôtel partenaire et s’entourent de mentors.
« Pour se lancer, il fallait un visa, donc trouver des fonds français », rappelle Alex Cammarano. C’est chose faite en novembre 2014. Mais la partie n’est pas gagnée : les contrats tardent à se concrétiser, et les fonds s’amenuisent. L’équipe, qui comptait alors sept personnes, est réduite à ses deux créateurs. « On s’est dit qu’on restait jusqu’au dernier centime », se souvient Alex Cammarano en évoquant « le creux de la vague », qui se révèle être avant tout une question de timing.
Les contrats sont finalement décrochés. Aujourd’hui, le duo « est serein sur la validation du marché », travaille avec deux nouveaux collaborateurs, tente de boucler une prochaine levée de fonds. Leur but, serait « d’être partout : dans les lieux publics, les hôpitaux, les cafés… », reconnaît Elisabeth Mouchy. Et pour cela, « il faut aller très vite » pour rester premier sur ce marché et continuer d’offrir aux spectateurs une pause artistique salutaire.