Annie Leibovitz est célèbre pour ses portraits de célébrités et ce sont bien ces portraits qui sont à l’honneur dans l’exposition « Annie Leibovitz: Stream of Consciousness » de la galerie Hauser & Wirth. Beaucoup de têtes connues dans cette sélection, minutieusement mises en scène par la photographe américaine, et qu’on s’amuse à reconnaître : Billie Eilish mélancolique, peut-être en train d’écrire les paroles d’une nouvelle chanson; la juge à la Supreme Court Ketanji Brown Jackson blottie derrière une colonne du mémorial Abraham Lincoln à Washington; Elon Musk, l’air résolu dans son costume d’astronaute; et d’autres plus énigmatiques, comme celle de Lauren Sanchez, la nouvelle femme de Jeff Bezos en robe de starlette dans le mécanisme de la « 10,0000-Year Clock », une gigantesque horloge que construit son mari à l’intérieur d’une montagne au Texas….
Hauser & Wirth, 542 22nd Street. Du mardi au samedi, de 10am à 6pm. Jusqu’au 11 Janvier 2025
Richard Serra nous a quittés en mars 2024, à l’âge de 85 ans. Ce Californien devenu New Yorkais ambitionnait d’être peintre, mais sera finalement l’un des plus grands sculpteurs de sa génération, et une des grandes figures du minimalisme/post-minimalisme à partir des années 60. Ses sculptures gigantesques en métal, construites dans des chantiers navals (les mêmes chantiers où travaillait son père pendant la deuxième guerre mondiale), sont faites pour être pénétrées, parcourues dans un sens puis dans l’autre. Jamais fixées au sol ou aux murs, les spirales, ellipses et autres formes géométriques étaient conçues minutieusement à force de modèles mathématiques par le sculpteur – et causèrent la mort accidentelle d’un installateur au début des années 70.
La galerie David Zwirner présente « Every Which Way », une installation de 2015 composée de 16 panneaux métalliques verticaux de tailles variées, et décrite ainsi par l’artiste : « Comme si vous étiez au milieu d’une ville, ‘Every Which Way’ vous oblige à retourner sur vos pas, à vous contorsionner, à prendre des virages en permanence ».
David Zwirner, 537 West 20th Street. Du mardi au samedi, de 10am à 6pm. Jusqu’au 14 décembre.
Autre grand nom du courant minimaliste américain dans les années 70, Sean Scully est connu pour ses grandes toiles abstraites, composées de bandes verticales ou horizontales, de blocs et de formes géométriques, riches en couleurs, qui rappellent des artistes comme Marc Rothko, Bridget Riley ou même Piet Mondrian.
Né en Irlande et élevé à Londres, Sean Scully s’installa à New York en 1975. Les œuvres présentées par la Lisson Gallery, à travers l’exposition « Sean Scully: Duane Street 1981–1983 », datent de ses premières années dans la Grande Pomme, et portent le nom de la rue où Scully s’était installé, dans le loft d’une ancienne usine de textile, dans le quartier de Tribeca, alors beaucoup moins gentrifié qu’aujourd’hui. Pour reprendre les mots du grand critique d’art Robert Hughes, « ce sont des tableaux très new-yorkais, mais la ville qu’ils évoquent n’est pas la grille parfaite qu’imaginent les étrangers, mais plutôt le lower Manhattan rugueux, désordonné, assemblé à la va-vite où Scully a son atelier : les palissades en contreplaqué déformées, les plaques de métal réparant la rue. »(Robert Hughes, Earning His Stripes, Time Magazine, 1989)
Lisson Gallery, 504 West 24th Street. Du mardi au samedi, de 10am à 6pm. Jusqu’au 1er février 2025.
Simone Leigh a la côte, et c’est bien mérité : depuis ses débuts artistiques au début des années 2000, elle a exposé à la Tate Modern à Londres, au Musée Guggenheim, à Boston, à Washington, à Los Angeles… En 2022, son superbe pavillon américain, transformé en cabane africaine, dans les jardins de l’arsenal lui avait valu le Lion d’Or de la biennale de Venise.
A travers ses sculptures, elle explore la représentation de la femme noire. « J’imagine une forme d’expérience, un état d’être, plutôt qu’une personne », explique l’artiste. De fait, ses sculptures sont plus abstraites, plus symboliques que réalistes : ainsi, Artemis (2022-2024) représente une femme sans tête portant une lourde jupe faite de seins. Même sa poitrine est lourde, et elle semble la soutenir avec ses mains. Monster (2023-2024) montre un buste de femme, sans tête ni bras, couvert de minuscules rosettes de porcelaine – allusion peut-être au travail manuel, répétitif et peu valorisé des femmes africaines.
Matthew Marks Gallery, 522 & 526 West 22nd Street. Du mardi au samedi, de 10am à 6pm Jusqu’au 20 janvier 2025
Force est de constater que les artistes contemporains amérindiens ne font pas légion dans les musées d’Amérique du Nord. Nicholas Galanin, né en 1979 et qui vit avec sa famille à Sheet’la (Sitka), Alaska, fait partie des rares exceptions. Couronné par l’Académie américaine des arts et des lettres en 2020, et Guggenheim Fellow depuis 2024, ses œuvres sont exposées dans les collections permanentes du Whitney, du Philadelphia Museum of Art, de l’Art Institute of Chicago, du LACMA, et du Brooklyn Museum.
Sa nouvelle exposition, dans la galerie Peter Blum, vaut le détour jusqu’à Grand street. Intitulée The persistence of Land claims in a climate of change, elle célèbre le rapport des populations amérindiennes avec leur terre, et dénonce la colonisation/ occupation et l’effacement culturel de ces populations. Un totem brisé est le symbole des rites et coutumes amérindiens piétinés par les colons – l’artiste rappelle que les missionnaires promettaient le paradis aux amérindiens s’ils brisaient et brûlaient leurs totems. Pire, ledit totem est en fait un faux, fabriqué en Indonésie pour être vendu aux touristes en Alaska…
Une autre œuvre, Pause for applause (qui tire son nom d’une gaffe de Joe Biden, qui lut un jour la note « Pause for applause » au milieu d’un discours) dénonce l’aspect formel et un peu creux des messages de « land acknowledgment » (reconnaissance des terres : « We acknowledge that we are on the ancestral and unceded land of the Lenape people, the original stewards of the land that is now known as New York City »…), introduits dans les années 2010 – « C’est une reconnaissance qui n’apporte pas grand-chose si elle ne s’accompagne pas d’action », critique l’artiste.
Peter Blum Gallery, 176 Grand Street. Du mardi au vendredi, de 10am à 6pm. Le samedi de 11am à 6pm. Jusqu’au 18 janvier 2025