Non, vous ne rêvez pas : c’est bien la statue de Lénine qui vous épie sur la 14e rue à New York, sur fond de fanfare soviétique.
Ouvert depuis le 17 janvier, le KGB Spy Museum présente 3.500 objets dédiés aux espions du service de renseignement de l’ex-URSS. Le musée, qui expose des pages sombres de l’histoire russe avec une certaine légèreté, a rapidement provoqué un tollé auprès de la critique.
Ses détracteurs, comme la journaliste russo-américaine Masha Gessen du New Yorker, lui reprochent notamment « une présentation divertissante de ce qui fut probablement l’une des organisations de police secrète les plus meurtrières de l’histoire ». Elle assène : « En l’absence de contexte historique et politique, tout est sujet à exposition. » Nous sommes allés vérifier.
Daniil Putov, directeur du musée pour le compte de deux conservateurs ukrainiens et d’un propriétaire américain resté anonyme, nous accueille dans le petit musée. Le tour commence avec la reconstitution d’un bureau soviétique sur lequel traîne une tasse Staline et d’autres objets d’époque, près d’un coffre-fort sécurisé par un sceau unique.
Près d’un mur recouvert d’affiches de propagande, le jeune directeur désigne une chaise d’où pendent des lanières en tissu. « Cette chaise vient d’un hôpital psychiatrique. Les agents du KGB pouvaient immobiliser leurs prisonniers politiques et, par exemple, leur injecter un produit qui les rendait fous », explique-t-il avec un accent russe, avant de souligner que la chaise est authentique.
Passée une petite salle sombre dédiée aux techniques d’interrogatoires du KGB, les visiteurs sont dirigés vers un coin du musée consacré aux prisons du service de renseignement. A travers des portes blindées (elles aussi d’origine, souligne le directeur), des écrans montrent une reconstitution de prisonniers dans leurs cellules, près d’un mannequin en camisole.
La suite de la visite, plus encyclopédique et qui, sans la présentation passionnée du guide, manque parfois de cohérence chronologique ou de remise en contexte historique, met davantage l’accent sur les accessoires d’espion, très bien conservés.
On retient notamment des caméras et appareils photos glissés dans toutes sortes d’objets comme des boucles de ceintures, des paquets de cigarettes, des livres ou encore des boutons de veste. Même ingéniosité pour les micros, cachés au centre d’une assiette, d’un cendrier ou même à l’intérieur d’une branche d’arbre.
Daniil Putov ne manque pas de montrer les pièces d’exception du musée : la réplique d’un « parapluie bulgare » qui cache une seringue chargée de ricine (l’un des poisons les plus dangereux du monde), une fausse dent que l’espion croque pour se suicider lorsqu’il est capturé ou encore un rouge à lèvre cachant un minuscule pistolet.
« Il faut imaginer que ces espions n’étaient pas comme vous et moi. Ils étaient entraînés pour réagir à n’importe quelle situation. Ils savaient exactement, à n’importe quel moment, quelle heure il était ou le temps exact qu’il leur aurait fallu pour s’échapper d’ici. C’est que nous avons voulu montrer dans ce musée”, détaille Daniil Putov.
C’est d’ailleurs la conclusion que l’on tire après la visite de ce musée : la collection est impressionnante et remarquablement bien entretenue mais l’on finit par y voir un agglomérat d’accessoires dignes des meilleurs James Bond sans vraiment en comprendre la portée historique. “C’est davantage un musée sur la technologie que sur l’histoire soviétique”, défend le directeur.