Depuis son arrivée à San Francisco en 2017, Arnaud de Fontenay est devenu le Monsieur Cinéma de la communauté francophone et francophile de la région de San Francisco. En effet, on lui doit la projection de plus d’une vingtaine de films sur les écrans du Théâtre du Lycée français, l’organisation des French Cinema Days en novembre dernier par le biais de la French American Cultural Society dont il est board member et en partenariat avec French Talent USA, et le lancement de la plateforme de streaming Cinessance en 2021. En France, il avait travaillé pendant plus de vingt ans dans l’industrie cinématographique, notamment avec Alain Chabat et Pierre-Ange Le Pogam, ex-associé de Luc Besson, avant de monter à San Francisco son entreprise de consulting juridique pour comédiens et sociétés, Next in Line Pictures.
Arnaud de Fontenay vient de lancer sa nouvelle marque, French Premiere, avec laquelle il entend combler un vide sur les écrans de Californie du Nord : la projection de films français quelques mois après leur sortie en France. À l’affiche pour les quatre mois qui viennent : « La passion de Dodin Bouffant » avec Benoit Magimel et Juliette Binoche en janvier, « Le règne animal » avec Romain Duris en février, « Second tour » de et avec Albert Dupontel et Cécile de France en mars, et « Le procès Goldman » de Cédric Kahn en avril.
Avec seulement vingt à quarante films exportés par an aux États-Unis, la France ne représente, selon les chiffres du Centre National de la Cinématographie, que 0.2% des films projetés dans les salles américaines. « Les distributeurs font des sorties ciblées, à New York, à Los Angeles, à Washington, mais pas à San Francisco. Deux semaines plus tard, ils basculent sur la vidéo à la demande, et quatre mois après, ils signent un accord avec les nombreuses plateformes de streaming. »
Si les festivals sont un gros marché pour les distributeurs de films, les projections restent limitées, et la chance de voir un film français récent sur les écrans de la Bay Area est donc maigre. Pourtant, la demande du public est bien réelle. Arnaud de Fontenay l’a bien constaté grâce à l’expérience Cinessance. La plateforme proposait des films en streaming, mais son catalogue incluait surtout des classiques : « Notre offre était trop patrimoniale. Faute de moyens, nous avons cessé nos opérations au bout d’un an, mais j’ai tiré de nombreux enseignements de cette expérience qui ont permis de créer French Premiere, explique t-il. J’ai notamment constaté que les Français sont une communauté qui est très au courant de l’actualité culturelle française. Par exemple, ils écoutent le Masque et la Plume sur France Inter, et French Premiere s’inscrit exactement dans cette optique : répondre à cette attente de nouveautés sur les écrans de la région. »
Avec des projections prévues au 4Star Theater de San Francisco et à l’Aquarius de Palo Alto, French Premiere comble également une disparité avec la côte Est, beaucoup mieux servie en films français : « New York est une marmite culturelle, qui bouillonne en continu : de nombreux festivals y sont organisées, les Affaires culturelles y sont installées, et la distance avec la France n’est pas si grande. Il est aussi plus facile de faire venir des acteurs ou des réalisateurs », constate t-il. « Sur la côte Ouest, c’est beaucoup plus compliqué car ils ne vont pas se déplacer pour une projection, il faut donc être sûr que le film va sortir à San Francisco, mais aussi Los Angeles, Seattle, pour faire justifier leur déplacement. »
Avec French Premiere, Arnaud de Fontenay entend redonner aux francophones et francophiles l’envie de retrouver les salles obscures. De nombreux cinémas indépendants, comme Embarcadero, ou le Clay, qui projetaient des films français, ont malheureusement été victimes de la pandémie. Pourtant, le plaisir d’aller au cinéma est inégalable : « On pleure, on rit ensemble… Le cinéma a un effet démultiplicateur d’émotions. On se souvient toujours d’un film sur grand écran, où on l’a vu et avec qui, mais rarement d’un film streamé sur une plateforme…»
Le programme a été soigneusement choisi par Arnaud de Fontenay : « Ce sont des films que j’ai vus ou que j’aurais envie de voir. « La passion de Dodin Bouffant » est pré-sélectionné aux Oscars, « Le règne animal » a fait plus d’un million d’entrées et devrait rafler plusieurs César… J’ai vu « Second tour » de Dupontel à Los Angeles, et j’ai adoré le mélange d’humour et d’émotion, ainsi que la manière unique de filmer les comédiens. » French Premiere présentera dix films par an, avec une pause en juillet et août. Cette nouvelle offre culturelle rencontre déjà le succès escompté dès le premier film : « La passion de Dodin Bouffant » affiche complet à Palo Alto le mercredi 24 janvier.