“Un artisan boucher avec 45 ans d’expérience à Los Angeles ? Ca n’existe pas !” s’exclame Jean-Claude Setin, avec son bel accent niçois. C’est fort de ce constat que ce sexagénaire, marié à une Américaine et installé depuis quatre ans dans la cité des anges, a décidé de lancer samedi Le French Butcher, une boucherie artisanale à la française à Los Angeles.
Depuis la fermeture l’année dernière de Lindy and Grundy (un petit commerce sur Fairfax, tenu par un couple de bouchères hipsters adulées des foodies), les amateurs de viande bio de L.A font grise mine. Quelques entrepreneurs audacieux tentent aujourd’hui de reprendre le flambeau, comme Bel Campo à Downtown. Mais pour Jean-Claude Setin, peu de jeunes bouchers américains connaissent vraiment le métier.
“Il ne suffit pas d’avoir des tatouages et de savoir manier un couteau pour s’improviser boucher. Savoir gérer une chambre froide, connaître les différentes parties de l’animal sur le bout des doigts, tout cela s’apprend, après des années d’expérience”, explique ce passionné, qui a d’ailleurs pour projet d’enseigner son métier à de jeunes apprentis à Los Angeles.
“Il y a une vraie renaissance de la boucherie aux Etats-Unis. Mais la formation doit encore être approfondie. Ici, en trois mois, on peut devenir boucher, alors qu’en France, il faut bien trois ans”, souligne Jean-Claude Setin.
Des animaux nourris à l’herbe
En plus de son site de vente en ligne qui sera actif à partir de samedi prochain, The French Butcher compte ouvrir cette année et en 2016, trois magasins à Los Angeles, probablement à Downtown et dans le West Side. La préparation de la viande sera effectuée au L.A Prep, un espace collectif accueillant des start-up innovantes spécialisées dans le domaine de la gastronomie. Jean-Claude Setin a également créé un partenariat avec l’association caritative catholique St Vincent Meals on Wheels, qui sert 4000 repas bio chaque jour aux plus démunis, à Los Angeles.
“En Californie, j’ai trouvé une viande exceptionnelle, en allant à la rencontre des ranchers de la région de L.A qui élèvent des animaux entièrement nourris à l’herbe” affirme le boucher, qui regrette qu’en France, la qualité ne soit souvent plus au rendez-vous.
En plus de proposer de la viande issue d’animaux nourris à l’herbe et sans antibiotiques, Jean-Claude Setin souhaite faire connaître aux Américains l’expérience de la boucherie à la française. “Je veux être aux petits soins pour les clients. A Nice, je jouais tour à tour le rôle de confident et de nutritionniste !” lance-t-il.
Des coupes françaises différentes des coupes américaines
“Il faut expliquer le système des coupes françaises, plus fines, et qui utilise 95% de l’animal, contre seulement 65% chez les bouchers américains. Certains morceaux sont complètement inconnus ici, comme une partie du jarret de boeuf qui permet de faire une excellente fondue bourguignonne.”
Le boucher niçois compte également proposer de vrais poulets rôtis, des fromages, des vins français de petits producteurs et des bocaux contenant des plats traditionnels: daube, cassoulet, pot-au-feu, etc.
Originaire d’une famille implantée à Nice depuis quatre générations, Jean-Claude Setin a débuté jeune dans le monde de la boucherie. “J’avais un ami qui livrait de la viande pour un boucher, qui m’a proposé de devenir commis. A 13 ans, j’ai commencé un CAP”, raconte-t-il.
Par la suite, il gère plusieurs magasins pour un autre boucher et obtient de si bons résultats qu’il se lance à son compte, au sein de la cité marchande de la Buffa, à Nice. Il ouvre par la suite une boucherie à l’extérieur du marché. “C’est comme cela que j’ai rencontré ma femme et future associée Susan. C’était l’heure de la fermeture, je faisais mes comptes dans le magasin, le rideau était à moitié baissé, mais elle a insisté pour entrer car elle cherchait désespérément du fromage pour un dîner. A l’époque, elle était encore végétarienne… ”, s’amuse Jean-Claude Setin.
A Nice, ses clients s’appellent César, Roger Hanin, Pierre Cardin, Elton John ou encore Bradley Cooper. Mais la crise économique française le persuade de prendre sa retraite et de partir s’installer avec sa femme à Los Angeles, où il travaille quelques temps chez Lindy et Grundy.
“La première fois que je suis rentré dans le magasin, je me suis arrêté sur le seuil et rien qu’à l’odeur, j’ai su que c’était une vraie boucherie ! Je veux que les clients aient la même expérience en passant la porte du French Butcher.”