L’an dernier, sa campagne avait été plutôt discrète et sa défaite avait surpris. Cette fois, l’ancien ministre, investi par l’UMP, annonce son intention de mener une “campagne différente“, en allant beaucoup plus “à la rencontre des gens“, en “organisant des réunions de travail à travers toute la circonscription“.
En campagne à New York, Frédéric Lefebvre a répondu aux questions de French Morning sur ce qui a changé depuis le printemps 2012, la “résistance” qu’il veut organiser face au gouvernement socialiste et la division de la droite, symbolisée notamment par la candidature de l’ex-UMP devenu UDI Louis Giscard d’Estaing.
French Morning: Qu’est-ce qui n’a pas marché la dernière fois?
Frédéric Lefebvre: D’abord, c’était une élection inédite. Chacun a mesuré à quel point cet exercice a interpellé, a posé des questions. De surcroit, il y avait à l’époque un climat social qui n’est pas celui d’aujourd’hui, avec des Français qui ont cru qu’en votant François Hollande un certain nombre de questions seraient réglées d’un coup de baguette magique. Aujourd’hui, ça a changé, notamment ici, pour les Français de l’étranger qui sont ciblés depuis dix mois par le nouveau gouvernement. Il a augmenté les impôts sur tout le monde. Il dit maintenant qu’il est à la recherche de six milliards d’euros. C’est tellement facile, au lieu de réduire la dépense publique, de commencer à cibler les Français qui vivent ici.
Sur la question de la fiscalité, vous vous souvenez de ce que j’avais dit à l’époque: les socialistes viseront les Français de l’étranger. C’est ce qui s’est passé avec la CSG sur les plus-values de cession, en plus de la taxation classique qui était déjà plus élevée pour les Français de l’étranger. C’est la double peine! Par ailleurs, il y a en ce moment un groupe de travail à l’Assemblée dont le but affiché est de remettre en cause les conventions contre la double imposition. Tout ça montre qu’il faut que les Français de l’étranger se fassent entendre, entrent en résistance. Député, je serai à la commission des finances.
Mais l’an dernier vous aviez tout de même fait huit points de moins que Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle un mois plus tôt…
Mais il y avait une vague rose, après l’élection de François Hollande. Il y a toujours un mouvement de démobilisation de l’électorat. D’ailleurs je n’étais pas nécessairement en phase avec la campagne nationale (menée par l’UMP). Il y avait un discours qui disait qu’il fallait empêcher François Hollande de faire sa politique. C’était un discours qui ne pouvait pas mobiliser. Moi j’avais proposé une cohabitation d’ouverture, en intégrant des personnes de gauche.
Cette fois c’est différent, tous les Français peuvent comparer Nicolas Sarkozy et François Hollande. Ils voient qu’il y en a un qui n’était pas commode mais que l’autre est insuffisant. En dix mois, on a vu les dégâts de cette politique. Regardez cette nouvelle idée de limiter le salaire des patrons dans le privé. Vous imaginez, dans le contexte de mondialisation, ça va être une catastrophe!
Il y a de nouveau des divisions au sein de l’UMP locale. Pouvez-vous faire campagne efficacement sans certains des cadres de l’UMP, qui ont choisi par exemple de soutenir Louis Giscard d’Estaing?
Moi je suis un homme d’unité. Quand il y a eu les divisions à la tête de l’UMP, j’ai essayé de pacifier. Quand le Conseil Constitutionnel a décidé d’annuler cette élection, j’ai reçu immédiatement un appel de Jean-François Copé, qui m’a dit : « On est derrière toi ». Puis un appel de François Fillon, me disant “qu’est-ce que je peux faire pour toi“. Ça, c’est un nouveau ciment social d’unité dans ma famille politique. Ensuite, et c’est la règle en politique, qu’il y ait des hommes et des femmes, très peu nombreux en l’occurrence, qui ne respectent pas la règle d’unité, ils se mettent à l’écart de leur famille politique. Mais je sens que se cristallise un mouvement, notamment de jeunes, qui se mobilisent.
Pour l’instant, à part les trois responsables de la côte Ouest peu de cadres ou élus AFE se sont déclarés en votre faveur. Pouvez-vous nous dire qui sont ceux qui vous soutiennent?
Mais tout le monde me soutient! Faites votre travail, interrogez les uns, interrogez les autres. Moi j’ai ma famille politique qui me soutient. Par exemple, les trois députés UMP des Français de l’étranger (Alain Marsaud, Claudine Schmid et Thierry Mariani) qui ont écrit aux électeurs d’Amérique du Nord pour me soutenir, pour dire : « On a besoin de Frédéric Lefebvre pour défendre les Français de l’étranger ». Les Français ont besoin d’un porte-voix, quelqu’un qui a une caisse de résonnance dans les médias, qui est invité au 20 heures. Ça ne se construit pas en quelques mois. Prenez la candidate socialiste invalidée: elle n’a pas été inactive pendant ces dix mois, mais force est de constater que sur les grands dossiers des Français de l’étranger, elle n’a pas voulu ou pas pu se faire entendre. Une voix influente, ça ne s’invente pas en quelques secondes.
Par exemple, sur la prise en charge des frais de scolarité pour les classes de lycée (supprimée cet été), je sais que le gouvernement ne va pas la rétablir, mais je dirai à François Hollande qu’il doit tenir ses promesses lorsqu’il disait qu’aucun enfant n’aurait à quitter les lycées français à cause de cette mesure.
Si vous êtes élu, comment se manifestera votre présence dans cette immense circonscription?
Vous vous souvenez de l’Ame Nord, c’est comme ça que j’ai baptisé cette circonscription, parce que les Français ici contribuent à donner une âme à cette Amérique du Nord. Je vais la transformer en association-guichet dans les grandes villes, puis en fondation. Elle aidera les Français lorsqu’ils ont un problème de retraite par exemple, de sécurité sociale, d’immigration ou d’éducation. Je veux faire du partage d’expérience, je veux bâtir une diaspora, un réseau, une communauté d’intérêt entre tous les Français de cette circonscription. Dès avant l’annulation de l’élection, j’avais organisé avec mon think tank (Nouveaux Horizons) des réunions de travail par exemple sur les retraites, qui est un sujet qui préoccupe évidemment beaucoup les Français ici.
Le premier tour sera une sorte de primaire, car il y aura plusieurs candidats à droite. Qu’est-ce qui vous distingue de votre adversaire principal à droite, Louis Giscard d’Estaing?
Je fais de la politique pour un projet, pas contre les autres ou par rapport aux autres. Moi aujourd’hui je veux débattre avec le candidat socialiste, parce que je n’oublie pas qu’à Montréal la mobilisation avait été forte en faveur de la gauche et j’ai vu là-bas la déception des hommes et femmes de gauche français qui avaient voté à la fois pour François Hollande et la candidate socialiste.
Vous êtes toujours élu au Conseil Régional d’Ile-de-France. Le resterez-vous si vous êtes élu?
Je veux être 24h/24 au service des Français d’Amérique du Nord, je pense que je ne peux pas agir avec efficacité en gardant une responsabilité locale, même comme simple Conseiller Régional. Donc évidemment je me concentrerai sur cette fonction de député.
Propos recueillis par Alexis Buisson et Emmanuel Saint-Martin