L’œil bleu vif, Frédéric Chereau a le sourire. Entrepreneur aguerri, il vient de céder sa biotech de thérapie génique, Logicbio Therapeutics, au groupe anglo-suédois AstraZeneca pour 68 millions de dollars. Une bonne opération pour le Français qui, pour l’instant, continue d’accompagner la croissance de Logicbio au sein de la filiale du géant pharmaceutique dédiée aux maladies rares.
C’est à San Diego que l’entrepreneur originaire d’Albi a fondé sa biotech en 2015 avec des chercheurs de Stanford qui ont mis au point une nouvelle façon d’éditer le génome humain. « Nous sommes les seuls à avoir inséré une séquence de gène dans l’être humain aux États-Unis malgré une environnement réglementaire contraint », explique fièrement le Français. En 2017, il déménage de Californie pour la Nouvelle-Angleterre afin de profiter à plein de l’écosystème de Boston.
Pour son entreprise, entrée sur le marché du Nasdaq courant 2018, tout semble rouler jusqu’au retournement du marché. Comme de nombreuses start-up de la biotech, Logicbio, qui est sur une niche d’avant-garde, peine alors à attirer les investisseurs dans un contexte d’aversion au risque. Puis en février 2022, la Food and Drug Administration (FDA) américaine ordonne l’arrêt de son essai clinique, pour des raisons de safety, durant trois mois, ce qui finira de plomber le cours de la start-up. Face aux vents contraires, Frédéric Chereau, qui a depuis 20 ans un ancrage à La Rochelle, tient la barre et part à la recherche de partenaires industriels qui aboutit à la reprise de la biotech.
« Je suis tombé dans la biotech un peu par hasard », se rappelle le Francais, qui possède un double bagage scientifique et commercial. « À l’époque, les biotechnologies, on n’en parlait pas tant que ça. C’était un nouveau créneau. J’ai rencontré des dirigeants de Genzyme qui me parlaient de maladies que je ne connaissais pas du tout, avec des pathologies qu’on n’était pas habitué à voir, et qui m’ont présenté le concept des maladies rares. Et comme, souvent dans ma vie, j’ai pris ma décision sur le fit avec les personnes que j’ai rencontrées. »
L’entrepreneur se souvient avec émotion de cette période d’effervescence. « Entré à Genzyme France en 1999, je suis parti en août 2005 pour Boston. Cela a été une période fondatrice pour moi. Genzyme à l’époque était une entreprise incroyable. C’était des vrais pionniers dans les maladies rares et il y avait un concentration impressionnante de talents comme son patron Henri Termeer, qui est devenu mon mentor. » Genzyme a, en effet, développé un nouveau business model rentable autour des maladies orphelines, jusqu’alors délaissées par l’industrie. Ouvrir de nouveaux espoirs de traitement aux patients atteints de maladies rares à même de changer leurs vies, cela reste, aujourd’hui encore, le moteur principal de Frédéric Chereau.
Mais le virus de l’entrepreneuriat le titille. « Mon père m’a toujours dit qu’il regrettait de ne pas avoir monté sa boîte, je me suis dis que j’allais bientôt avoir 40 ans. C’était pour moi le moment ou jamais de partir », raconte l’Albigeois. Il reprend alors une entreprise dans l’insuffisance rénale, Pervasis Therapeutics, avec une technologie de thérapie cellulaire issue du MIT en 2008, juste une semaine avant la faillite de Lehman Brothers. « Le timing était loin d’être idéal. Je me suis retrouvé dans cette boîte quasiment sans cash. À l’époque, c’était vraiment la bérézina à Boston, beaucoup de lab fermaient, c’était bien pire que maintenant », explique-t-il. L’expérience sera rude mais formatrice. Il parvient in extremis à lancer un essai clinique en France et à lever 17 millions de dollars avant de vendre sa jeune pousse – à quelques jours de mettre la clé sous la porte – à Shire, fin avril 2012.